Par un arrêt rendu le 12 avril 2023 en formation de chambres réunies, le Conseil d’Etat a apporté des précisions relatives au champ d’application de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, qui contraint le contestataire d’une autorisation à notifier le titulaire du permis de son recours. Estimant que le recours introduit contre une décision d’annulation de l’arrêté portant constatation de caducité de l’autorisation était soumis à ces dispositions, le juge administratif suprême a élargi la portée de l’obligation de notification de recours.
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Par arrêté en date du 23 août 2013, le maire de Villiers-le-Bel a accordé un permis de construire à une société pour la construction d’un ensemble immobilier. Mais par un nouvel arrêté du 11 septembre 2017, le maire a constaté que l’autorisation était caduque, au motif que les travaux avaient été interrompus pendant plus d’un an.
La société bénéficiaire du permis a introduit un recours pour excès de pouvoir contre ce second arrêté, qui a été annulé par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise (18 juin 2019, n°1710035). La Commune de Villiers-le-Bel a interjeté appel de ce jugement. Par un arrêt du 29 juin 2021 (n°19VE02997), la Cour administrative d’appel de Versailles a annulé la décision des premiers juges et donné raison à la Commune.
La société s’est pourvue en cassation contre cet arrêt. La principale question de droit à laquelle devait répondre le Conseil d’Etat était de savoir si l’appel relevé contre le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise devait se voir appliquer l’obligation de notification prévue à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme.
Aux termes de cet article dans sa version en vigueur au moment des faits, « en cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un certificat d’urbanisme, ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un certificat d’urbanisme, ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code ». La notification doit être réalisée dans un délai de quinze jours, par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette disposition assure la sécurité juridique du bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme, qui est ainsi nécessairement informé des éventuels recours susceptibles d’aboutir à la disparition de l’acte dont il profite.
En l’espèce, la Haute juridiction administrative a considéré que l’obligation de notifier prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme pesait sur « le requérant qui interjette appel ou se pourvoit en cassation contre une décision juridictionnelle qui constate l’absence de caducité d’un permis de construire, et annule, pour ce motif, une décision constatant cette caducité ».
En clair, le Conseil d’Etat a fait une interprétation relativement large des termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, en incluant la décision juridictionnelle annulant un arrêté constatant la caducité du permis dans la notion de « décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol » au sens de l’article susvisé.
Constatant que la Commune Villiers-le-Bel n’avait pas satisfait à cette obligation de notifier à la société bénéficiaire le recours en appel qu’elle avait formé contre le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, le juge administratif suprême en a déduit que cet appel était irrecevable. Il a par ailleurs réaffirmé que cette irrecevabilité est un moyen que le juge administratif est tenu de relever d’office. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Versailles, qui a fait droit aux prétentions de la Commune appelante, aurait tout bonnement dû rejeter son recours sans même examiner le fond de l’affaire.
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En jugeant ainsi, le Conseil d’Etat a entendu renforcer le droit à la sécurité juridique dont peuvent se prévaloir les bénéficiaires d’une autorisation d’urbanisme. Il s’inscrit de facto dans la lignée de ses arrêts précédents, à l’image de celui ayant récemment fait application de l’obligation de notifier à des recours dirigés contre une décision refusant de retirer un permis de construire (CE, 27 septembre 2022, n°456071, Rec.). La présente décision apparaît somme toute assez logique, car ne pas soumettre la présente espèce aux exigences de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme aurait eu pour effet de créer « un angle mort » en contentieux de l’urbanisme. Il ressort clairement des textes que le pouvoir réglementaire a souhaité que tout bénéficiaire soit informé d’une action pouvant entrainer la disparition de son permis. Or, le recours en appel ou en cassation dirigé contre un jugement annulant un arrêté constatant la caducité de l’autorisation est susceptible d’aboutir au maintien de l’arrêté, et donc à la disparition du permis.
Source : CE, 5ème et 6ème Chambres réunies, 12 avril 2023, n°456141