Dans des secteurs comme celui des batteries lithium-ion, c’est aujourd’hui l’économie et ses acteurs qui influencent la production et le caractère des normes juridiques et non l’inverse comme on a pu le connaître jusqu’alors.

Le processus ayant été renversé, il faut adapter l’ingénierie juridique à un monde qui évolue de plus en plus vite et radicalement. En ce sens, on pourrait imaginer de nouvelles normes ou le réexamen d’anciennes directives pour les moderniser et les adapter à la situation actuelle. Il faut également envisager de nouvelles manières de produire des normes et la manière dont on les fait respecter. Les systèmes juridiques actuels sont en difficultés face aux enjeux de notre monde et les défis qu’ils doivent affronter. Il faut donc repenser notre façon de créer, écrire, faire respecter et expliquer le droit.

Mais la norme n’est rien sans une acceptation sociale relativement forte au moment de sa promulgation (voir bien avant). Le transport, et particulièrement le véhicule individuel électrique, est un secteur vital pour nos sociétés qui, aujourd’hui, ne savent pas évoluer sans voiture. On l’a vu avec le mouvement des gilets jaunes, il existe un risque important de déconnecter la norme des personnes auxquelles elle s’applique réellement. C’est pourquoi, au-delà du droit, c’est notre société dans sa globalité qui va devoir s’adapter, se réinventer. En ce sens, un mot revient souvent : la sobriété écologique.

Le droit de l’environnement est un droit particulier composé à la fois de « hard law », c’est-à-dire des normes obligatoires que le législateur impose à leur destinataire, mais aussi de « soft law », des normes non obligatoires dans les faits mais que peuvent s’imposer elles-mêmes des personnes morales comme des sociétés par exemple. Parmi ces normes, le droit peut utiliser la hard law comme la soft law selon la situation ce qui constitue une force et une capacité d’adaptation très utile. Il s’agit en réalité de combiner les deux types de normes afin de couvrir le plus de situations possibles pour avoir un droit agile qui peut s’adapter sans être dépassé.

Dans ce sens, la Commission de l’Union européenne travaille toujours sur de nouveaux règlements et de nouvelles directives mais certaines d’entre elles ont également vocation à être réexaminées.

De plus, de nouveaux  acteurs voient le jour dans le cadre du développement d’un droit « mou » qui ont vocation à conseiller, rendre différents rapports et éclairer le législateur sur les différentes options concernant l’énergie, les métaux rares etc.

Le droit mou ou droit souple (« soft law » en anglais) est un ensemble de règles dont la force normative est discutée. Ce sont des règles de droit non obligatoires, mais dont les effets juridiques ne sont pas pour autant inexistants[1].

Un autre problème c’est celui de la situation de « monsieur tout le monde ». On entend par cette expression la situation d’un citoyen classique qui prend sa voiture tous les jours pour aller travailler. Si on dit à cette personne que dans trois à cinq ans, il n’aura plus le droit d’utiliser sa voiture au nom de la sobriété écologique, il faut être prêt à l’assumer. Il faut connaître les problèmes de nos sociétés actuelles et y apporter des réponses concrètes plutôt que des lois techniques. La réalité, c’est que nous travaillons de plus en plus loin de chez nous. La campagne française est souvent isolée et la voiture est le seul moyen de locomotion viable pour travailler ou aller faire ses courses.

La sobriété écologique implique donc de repenser nos villes, nos sociétés, nos modes de vie. Tel est le défi relevé par l’expérience The Line en Arabie Saoudite. The Line est un projet de ville futuriste qui est construite en Arabie Saoudite. La ville est imaginée comme une ligne droite de 170 km et quatre points communautaires pour accueillir un total d’un million d’habitants. Nous pouvons lire sur le site Web du projet que « [The Line] repensera la façon dont nous abordons le développement urbain, surmontant les défis des villes modernes et priorisant les personnes ».

Évidemment, ce projet possède de nombreux défauts et aspects sur lequel on pourrait le critiquer, mais il a le mérite de répondre à une question qui se pose de plus en plus : peut-on vivre sans voiture ? The Line met l’accent sur la vie de quartier avec pour objectif que tout ce dont a besoin une personne doit lui être accessible à pied. Les différents quartiers sont connectés entre eux par un transport en commun rapide et fiable.

On ne sait en revanche pas encore comment adapter notre économie et la mondialisation à ce phénomène de sobriété écologique et économique. Peut-être serait-il intéressant de concentrer les énergies renouvelables dans les transports de marchandises, les poids lourds, les avions et les bateaux plutôt que dans les véhicules individuels. Notre façon de vivre et de fonctionner aujourd’hui en dépend et malgré tout, nous ne sommes pas capables actuellement de transformer tout notre système de façon si radicale. En revanche, l’électrique peut servir de transition vers un nouveau monde plutôt que devenir la norme jusqu’à épuisement de nos réserves de lithium.

[1] Dalloz, fiche d’orientation, septembre 2020. https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F001812