En juillet 2021, la Commission européenne avait proposé une révision de la directive relative à l'”efficacité énergétique” afin d’accélérer et renforcer les mesures face au changement climatique. La guerre en Ukraine, la hausse brutale des prix de l’énergie et les conséquences plus fortes que prévues du réchauffement climatique ont poussé la Commission à parler également de “sobriété énergétique”. Si ces deux concepts ont un même objectif de diminution de la demande en énergie, que représentent-ils vraiment ? Doit-on les distinguer ?
Baisser le chauffage d’1 °C permet de réduire la consommation de 7% (Source : Ademe)
Une distinction sémantique relativement courante et acceptée par la communauté scientifique
Les notions d'”efficacité énergétique” et de “sobriété énergétique” sont généralement bien dissociées dans les travaux des experts. Ainsi, dans le rapport “Les Futurs énergétiques 2050” de RTE publié en 2021, nous pouvons lire que « contrairement à l’efficacité énergétique, fondée sur l’amélioration de la performance technique des équipements, la sobriété énergétique touche à l’implication des individus dans leurs comportements et pratiques de consommation ». De même, dans le rapport du groupe III du GIEC, “Mitigation of Climate Change”, il est dit que “in chapter 9 of this report, sufficiency differs from efficiency. Sufficiency is about long-term actions driven by non-technological solutions, which consume less energy in absolute terms. Efficiency, in contrast is about continuous short-term marginal technological improvements”.
Comment cela se passe-t-il au niveau de l’Union européenne ?
Au sein des textes européens, la distinction est bien plus floue. La Commission a en effet fixé des objectifs de réduction de la consommation d’énergie au sein de directives dites “relatives à l’efficacité énergétique” (en 2012 : baisse de 20% de la consommation annuelle d’énergie dans l’Union d’ici 2020 par rapport aux projections, puis en 2018 : diminution d’au moins 32,5% relativement aux prévisions de consommation d’énergie pour 2030). Au sein de ces directives, nous trouvons bien entendu principalement des mesures d’amélioration de la performance technique mais aussi quelques mesures relatives à la sobriété énergétique.
Et après ?
En s’appuyant sur un grand nombre d’études et de scénarios sur le sujet, les auteurs du troisième volume du sixième rapport du GIEC portent les changements sociétaux – et donc les problématiques de sobriété énergétique – au rang de solutions potentielles face au réchauffement climatique. Avoir une politique européenne spécifiquement axée sur ce concept, et non pas intégrée et occultée au sein de l’efficacité énergétique, pourrait être une solution nécessaire, voire indispensable désormais. Il semble donc important de se demander, d’un point de vue juridique, s’il est plus pertinent de rassembler au sein d’une même politique efficacité et sobriété énergétique, ou d’en faire deux politiques énergétiques européennes séparées.
Malgré tout, la notion de sobriété énergétique, dans l’agenda politique et les sphères publiques, est très nouvelle. Sa définition n’est pas encore arrêtée. Touchant aux modes de vie même, elle engendre des peurs et des réactions qui sont légitimes. C’est pourquoi il sera intéressant dans les prochains mois d’observer les avancées en la matière, de nombreuses initiatives de sobriété énergétique ayant déjà lieu au niveau individuel, des collectivités et des Etats membres.