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Puit de forage de gaz, Brad Weaver

Le Journal officiel de la République française publiait le 3 décembre 2023 un arrêté de la ministre de la transition énergétique et du ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique accordant un permis exclusif de recherches de mines d’hydrogène natif, hélium et substances connexes dans le département des Pyrénées Atlantiques[1].

Voilà quelques années que l’hydrogène natif donne de grands espoirs aux différents acteurs de l’hydrogène français. En outre des potentielles réserves situées dans le Sud-Ouest de la France, un très important gisement pourrait se trouver en Lorraine[2].

Il y a aujourd’hui un apparent consensus sur l’aspect durable de cet hydrogène natif comparé à l’hydrogène gris, très carboné, ou à l’hydrogène vert dont la production n’est pas loin d’être anecdotique (4% de la production mondiale[3]).

Pour comprend cet aspect potentiellement « durable » de l’hydrogène natif, aussi appelé hydrogène blanc ou naturel, il faut comprendre comme il se produit. L’hydrogène blanc se trouve sous forme gazeuse dans les entrailles de la Terre. Diverses réactions chimiques ou phénomènes, comme la décomposition de matières organiques ou le dégazage de l’hydrogène profond, permettent sa présence dans la croûte terrestre. En France, notamment en Lorraine, l’hydrogène a pour origine une oxydoréduction résultant du contact entre l’eau et des minéraux composés de carbonate de fer[4]. Nombre de scientifiques indiquent que l’hydrogène pourrait probablement être renouvelable vu la rapidité de sa formation qui se compte en années, alors que celle des hydrocarbures se compte en dizaines de millions d’années.

Cependant, tout n’est pas blanc dans cet hydrogène natif, il y aussi une part d’ombre, au moins d’incertitude. Les découvertes poussent toujours à l’optimisme, mais il faut aussi pencher sur les inconvénients de cette énergie. Si une chose est sûre, l’Homme ne peut utiliser les ressources de la Terre sans conséquences. Les conséquences de l’extraction de l’hydrogène natif peuvent, elles, être dévastatrices, du moins en l’état de la science et des technologies actuelles.

En effet, si l’hydrogène natif a pu être découvert à la suite de forages destinés à l’extraction de gaz naturel, il est évident que des puits semblables devront être creusés. Même si, en France, la fracturation hydraulique est interdite pour la recherche et l’exploitation des hydrocarbures liquides ou gazeux[5], elle ne l’est pas pour l’hydrogène. Si cette technique était utilisée cela entrainerait de potentiels risques sismiques et de pollution des eaux souterraines assez importants. Pour protéger l’environnement, il serait envisageable d’étendre cette interdiction à l’exploitation de l’hydrogène. Néanmoins, des acteurs de l’hydrogène déclarent qu’ils n’ont pas pour objectif de recourir à cette technique comme l’indique un conseiller de chez ENGIE[6].

L’autre inconvénient majeur de l’extraction de l’hydrogène est celui des fuites dans l’atmosphère. Ces fuites se produisant dans l’industrie sont d’autant plus redoutables que c’est une molécule extrêmement plus petite et volatile que le méthane, gaz pourtant bien connu et maîtrisé. Ces fuites peuvent apparaître dès l’extraction et semblent très probables au vu du pourcentage de gaz naturel fuitant des puits (environ 2,5% dans les puits de gaz naturel des États-Unis d’Amérique[7]).  L’hydrogène utilisé pour pallier les émissions de gaz à effets de serre, aurait alors indirectement, en interagissant avec les autres gaz (comme le méthane par exemple), un effet de serre onze fois plus réchauffant que le CO2.

Si l’hydrogène pourrait bien être l’énergie de demain, il faut garder en tête que cette énergie ne dispose pas de technologies assez matures à l’heure actuelle pour que les effets de son exploitation sur l’environnement et le climat, ne soient pas finalement contreproductifs.

 

[1] Journal Officiel de la République Française n°0280 du 3 décembre 2023

[2] « Un gisement géant d’hydrogène en Lorraine ? », Kheira Bettayeb, 6 juillet 2023, CNRS Le Journal

[3] Production et consommation de l’hydrogène renouvelable, P. Malbrunot – juin 2023 , Mémento de l’hydrogène, actualisé en juin 2023, France Hydrogène

[4] « Un gisement géant d’hydrogène en Lorraine ? », Kheira Bettayeb, 6 juillet 2023, CNRS Le Journal

[5] Article L111-13, Code minier (nouveau)

[6] “Hydrogen could be taken straight from the ground”, Goda Naujokaitytė, 6 janvier 2022, Science Business

[7] R. A. Alvarez et al., Assessment of methane emissions from the U.S. oil and gas supply chain. Science 361, 186-188 (2018).

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