You are currently viewing Le rôle des associations de protection de l’environnement dans l’implantation des EnR en France

Alors que la transition énergétique est présentée comme une priorité nationale et européenne, le développement effectif des énergies renouvelables (EnR) en France reste ralenti par de nombreuses contraintes techniques, juridiques et sociales. Parmi les acteurs de cette dynamique, les associations de protection de l’environnement occupent une place particulière : si elles soutiennent globalement la transition énergétique, elles s’opposent fréquemment à certains projets d’implantation. Cette tension entre engagement écologique et contestation locale soulève des défis de contentieux, mais aussi en matière d’urbanisme et de politique locale. 

Un cadre juridique européen et national en faveur des EnR

La politique énergétique française s’inscrit dans le cadre des objectifs climatiques du Green Deal qui visent la neutralité carbone d’ici 2050. En transposant ces objectifs, la France s’est dotée de plusieurs instruments tels que la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (2015), la loi Climat et Résilience (2021) et, plus récemment, la loi APER (2023) qui vise à accélérer la production d’EnR sur l’ensemble du territoire.

Ces textes inscrivent la nécessité d’une trajectoire bas-carbone dans plusieurs codes (énergie, environnement, urbanisme) et fixent des objectifs chiffrés : 33 % d’EnR dans la consommation finale d’ici 2030, 60 à 70 % en 2050. Mais cette ambition se heurte à des réalités locales, où l’acceptabilité citoyenne devient un facteur décisif de réussite ou d’échec.

 

Des objectifs antagonistes entre politiques publiques et acteurs associatifs pour une transition énergétique

Les associations agréées de protection de l’environnement bénéficient d’un statut juridique spécifique, leur permettant de participer aux enquêtes publiques, et d’engager des recours en justice. Leur légitimité a été renforcée au niveau européen, notamment dans l’affaire KlimaSeniorinnen Schweiz c. Suisse par une décision de la Cour européenne des Droits de l’Homme en 2024, qui reconnaît la capacité des associations à défendre l’intérêt général climatique. 

Cette affaire concerne une requête introduite par quatre femmes et une association suisse, dont les membres s’inquiètent des conséquences du réchauffement climatique sur leurs conditions de vie et leur santé. Les parties estimaient que les autorités suisses ne prenaient pas de mesures suffisantes pour atténuer les effets du changement climatique. La Cour a conclu que la Confédération suisse avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de la Convention européenne des Droits de l’Homme en matière de changement climatique.

En France, les associations jouent aussi un rôle moteur dans les mécanismes de démocratie participative prévus par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Toutefois, leur opposition à certains projets, même EnR, pose question. Des contentieux fondés sur la préservation de la biodiversité ou du paysage peuvent aboutir à l’annulation de projets pourtant conformes aux objectifs de transition énergétique. Ainsi, le Conseil d’État a rappelé en 2022 qu’un projet EnR ne peut porter atteinte à des espèces protégées que s’il répond à une raison impérative d’intérêt public majeur, illustrant la nécessité de concilier deux formes d’intérêt général.

 

Une acceptabilité sociale conditionnée par le contexte local

Le développement des EnR souffre d’une opposition croissante, parfois désignée par le concept de NIMBY (« Not In My Backyard »), qui traduit une adhésion de principe à la transition énergétique, mais un refus de voir un projet implanté à proximité. Si ce phénomène peut relever de considérations légitimes telles que la protection de la biodiversité, ou le cadre paysager, il traduit aussi une forme d’inertie locale face à des impératifs globaux.

Pour illustrer cela, en Alsace, des projets éoliens ou solaires rencontrent régulièrement l’opposition d’associations locales, souvent préoccupées par l’impact sur la biodiversité ou l’artificialisation des sols. De même, s’agissant de la géothermie, pourtant une énergie bas-carbone, suscitant de fortes résistances après des micro-séismes.

 

Vers une conciliation durable des intérêts collectifs

Les associations remplissent un rôle essentiel d’alerte mais la transition énergétique implique une redéfinition du compromis territorial. Il est indispensable que les projets soient pensés en amont avec les acteurs locaux, que les études d’impact soient transparentes, et que les implantations privilégient des sites non sensibles écologiquement.

Le développement des EnR n’a de sens que s’il respecte la biodiversité, la santé humaine, et les paysages. Mais il doit également répondre à un objectif supérieur : limiter le réchauffement climatique, assurer la souveraineté énergétique, et garantir l’accès équitable à une énergie propre, y compris dans les territoires isolés.

 

Pour en savoir plus : 

  • Ces différents aspects ont pu être analysés dans un mini-mémoire juridique rédigé dans le cadre de mon année de M2 DGEDD 
  • CE, 6e ch., 10 mars 2022, n° 439784 : JurisData n° 2022-003561

 

 

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.