Le paradoxe d’un besoin indispensable des métaux pour réussir la transition énergétique et écologique (Partie 1)
La crise énergétique et écologique a accru le développement des nouvelles technologies, notamment celles dites « vertes ». D’un point de vue économique, ce phénomène provoque d’une part, l’accroissement de la demande des métaux, indispensables pour l’industrie et la technologie, et d’autre part, un impact négatif sur l’offre, effet qui s’aggrave surtout dans un contexte de pénurie globale de cette ressource. Ainsi, cet impact négatif s’avère être un risque qui pèse sur la chaîne d’approvisionnement, l’indépendance et la gestion de l’environnement.
Les termes clés autour du phénomène
Ressource naturelle : « Source de matière et d’énergie accessible dans l’environnement naturel sous forme primaire avant sa transformation par l’activité humaine. Une ressource naturelle peut être renouvelable ou épuisable (minéraux et ressources métalliques)[1] ».
Ressource minérale : « C’est une ressource naturelle épuisable qui est extraite des zones superficielles de la Terre[2] et est ensuite utilisée comme matière première dans différents processus industriels[3] ».
Métal : « C’est un corps conducteur de l’électricité et de la chaleur, en général malléable, ductile et réfléchissant la lumière (éclat métallique) »[4].
Métaux de la transition / métaux stratégiques ou critiques : « Ils regroupent une cinquantaine de métaux considérés comme indispensables pour l’industrie, les technologies de pointe vertes et la high tech »[5]. Ces métaux ont des enjeux stratégiques importants, surtout par rapport à l’indépendence des pays[6].
Terres rares : « Les terres rares sont utilisées dans la fabrication d’objets de haute technologie. On les trouve, par exemple, dans les batteries de voitures électriques et hybrides, de smartphone et encore dans les dispositifs utilisés dans les EnR (les panneaux photovoltaïques et les éoliennes) [7]».
Les matières premières : « Ces matières, telles que le pétrole, le gaz naturel, les minerais, le sable, le riz, le maïs, le coton, le caoutchouc, servent à fabriquer des biens. En effet, elles sont extraites de la nature et sont utilisées par l’Homme soit directement, soit pour les transformer en biens de consommation[8]».
Les matières premières secondaires (MPS) : « Ces matières sont un déchet qui a été transformé et/ou combiné, en vue d’obtenir un produit utilisable dans les procédés de fabrication en remplacement de la matière première initiale[9]».
Les matières premières critiques : « Matières premières pour lesquelles un risque pèse sur la chaîne d’approvisionnement, soit parce que celle-ci est concentrée dans un très petit nombre de pays, soit parce que la stabilité politique des pays fournisseurs est précaire (palladium, le titane le nickel). Elles sont utilisées pour le développement des nouvelles technologies, notamment celles de la transition énergétique et numérique [10] ».
L’apport de ces métaux pour une transition plus décarbonée
L’activité minière, l’implantation des sources énergétiques renouvelables (EnR) et l’électromobilité constituent des enjeux de la transition. L’exploitation de ces métaux et leur transformation ultérieure sont des étapes fondamentales de la chaîne de valeur pour la fabrication des téléphones portables, des ordinateurs, des batteries de véhicules, des trottinettes électriques, des écrans et quasiment de tous les appareils « high tech », y compris les centres de stockage dont le traitement des données numériques se fait au travers des « data centers [11] ».
D’ailleurs, l’utilisation de ces métaux est devenue indispensable non seulement pour le développement des technologies, afin d’accompagner une transition énergétique moins décarbonée, mais aussi pour maintenir l’équilibre économique de l’Europe.
Pour quoi, y a-t-il une augmentation de l’utilisation moins décarbonée de ces métaux ?
Frank Bekaert, le directeur associé du pôle Industrie minière et Métallurgie de McKinsey & Company, affirme qu’il y a une complexité dans cette transition[12]. En effet, la transition énergétique demande une accélération du déploiement des énergies renouvelables à grande échelle et une exploitation de ressources minérales.
Ces minéraux/métaux peuvent être de grand volume (l’acier, l’aluminium, le cuivre, le nickel ou l’or), ou d’un volume bien inférieur, tels que le cobalt, le lithium, le palladium, le tellure, les terres rares et d’autres. Les premiers interviennent dans le secteur de l’infrastructure, de la construction, de la mobilité ou de l’aéronautique (avec l’aluminium). Les seconds s’inscrivent dans la transition énergétique de manière transversale, car il est possible de les retrouver dans les batteries de voiture et dans les équipements d’énergies renouvelables : le tellure dans les panneaux photovoltaïques, par exemple[13].
L’acier est le métal le plus utilisé dans le monde[14] et il jouera un rôle central dans la construction des infrastructures nécessaires pour la transition[15]. Ainsi, le secteur sidérurgique essaie de mettre en place un processus industriel moins carboné (« acier vert ») ce qui constitue un défi de taille.
L’électrification est aussi un secteur clé dans la transition. C’est la raison pour laquelle il faut poursuivre l’extraction du cuivre, le métal le plus apte à conduire l’électricité. Tout cela dans l’objectif d’améliorer le réseau et de garantir un meilleur service de distribution publique d’électricité afin de soutenir le secteur de manière responsable et respectueuse de l’environnement.
Qu’est-ce que la criticité de la ressource ?
La principale caractéristique de la notion de criticité amène à un risque probable dans la chaîne d’approvisionnement. Cette notion s’attribue aux « matières premières qui sont les plus importants sur le plan économique et qui présent un risque élevé de pénurie d’approvisionnement ». Le risque peut provenir soit du fait que la ressource est limitée et concentrée dans un territoire déterminé, soit du fait que la stabilité politique des pays fournisseurs est faible en raison de l’intérêt économique ou industriel[16] ».
La criticité vise à caractériser les dommages potentiels causés par une pénurie de matières premières au sein d’un système industriel. Une telle criticité se trouve particulièrement dans un contexte de dépendance des importations étrangères.
En effet, ce terme concerne d’un côté, l’évaluation de l’exposition du pays au risque de rupture de l’approvisionnement et, d’autre côté, la mesure de l’impact économique qui entraîne une telle rupture.
Un second facteur aggravant est que les métaux sont des ressources non renouvelables, limitées et épuisables dans le temps. En effet, ils constituent une ressource qui représente un risque de précarité et par conséquent d’indisponibilité.
A partir du moment où un tel risque se produit, on peut discuter de la criticité d’une source minérale [17].
De plus, aujourd’hui, il y a une forte dépendance aux importations des sources minérales chinoises[18], générant un état de criticité des matières premières dans l’Union européenne et un conflit dans leur répartition mondiale pour la fabrication des hautes technologies. Trente d’entre elles ont été identifiées comme critiques[19] .
La criticité de la ressource ne dépend pas de sa quantité disponible, mais de son coût d’exploitation et de sa qualité. Elle a donc probablement une origine économique[20].
Par ailleurs, le rapport publié en juillet dernier par la Commission pour la Transition Énergétique a prouvé « qu’il y a largement assez de minerais disponibles sur Terre pour pouvoir assurer la transition énergétique et la sortie du pétrole, mais qu’à court terme, la demande de certains métaux pourrait dépasser l’offre [21] ».
Ainsi, « l’augmentation de l’offre pour répondre à la croissance de la demande sera difficile pour six matériaux d’ici 2030 [22]».
Mesures clés pour en faire face
Par conséquent, ils ont été identifiés certaines mesures que les parties prenantes, les mineurs ainsi que les fabricants doivent prendre pour réduire ce risque[23] :
- Construction de nouvelles mines et expansion rapide de l’approvisionnement existant en matériaux ;
- Assurer un approvisionnement plus diversifié et plus sûr ;
- Favoriser une production de matériaux durable et responsable ;
- Stimuler l’innovation et le recyclage pour réduire la pression sur l’approvisionnement primaire.
Des données claires
- Entre 30 à 50 % l’augmentation de la demande de cuivre dans les années à venir, dans le cadre de la transition énergétique et du déploiement à grande échelle de l’électricité provenant de sources renouvelables ;
- 34/60 : le nombre de métaux figurant dans un rapport de l’UNEP de 2011 qui ne sont pas recyclés ;
- 70 à 100 % de métaux consommés en Europe sont importés ;
- 2020 : année à partir de laquelle il y a eu des coûts accrus, un nouveau super cycle des métaux, avec une élévation de leurs cours qui a commencé ;
- « Dans les trente prochaines années, nous extrairons autant de matériaux que depuis le début de l’humanité [24]» ;
- La consommation des métaux passerait de 7 à 19 milliards de tonnes par an[25] ;
- Il y aura une augmentation à l’horizon 2050 des demandes des métaux d’un facteur supérieur à dix sur de nombreux métaux[26].
Par conséquent, l’augmentation de la demande de ces matières premières a également généré l’accroissement élevé des activités de l’industrie minière et extractive. En réalité, cette demande est due aux besoins de la technologie et du numérique que requiert la transition énergétique selon la publication du Bureau de Recherches Géologiques et Minières[27].
[1] Définition – Ressources naturelles | Insee
[2] Croûte, hydrosphère, atmosphère, représentant seulement 0,4% du total de la masse terrestre.
[3] RESSOURCES MINÉRALES – Définition, classification et exemples (projetecolo.com)
[4] Définition | Métal – Métaux (futura-sciences.com)
[5] Les métaux stratégiques, qu’est-ce que c’est ? – Geo.fr
[6] Découvrir & Comprendre – Les matières premières critiques (cea.fr)
[7] Terres rares : définition et utilisations – Geo.fr
[8] 01 Les matières premières – Définitions – Les cahiers du DD – outil complet (cahiers-developpement-durable.be)
[9] https://www.dictionnaire-environnement.com/matiere_premiere_secondaire_mps_ID1073.html
[10] BRGM. Métaux critiques concilier étique et souveraineté ? Géosciences n °26 – La revue du BRGM pour une terre durable. Juin 2022. p. 16.
[11] Ibidem., p. 42.
[12] Ibidem.
[13] Ibid., p. 16.
[14] « La consommation en acier va augmenter de 2 % par an, soit de 40 à 50 millions de tonnes par an ». Ibid.
[15] Ibid.
[16] Ibid., p. 21.
[17] Ibid., p. 47.
[18] « La chine restreint les exportations afin d’arriver à faire monter dans la chaîne de valeur ajoutée des industries de haute technologie et exporter ses terres rares non pas à l’état brut mais intégrées dans des produits finis ».
[19] Conseil Général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies. L’économie circulaire ou la compétition pour les ressources. La documentation française, Paris, 2015, p. 77.
[20] BRGM. Métaux critiques concilier étique et souveraineté ? op. cit, p. 17.
[21] Reportage RFI, 20 juillet 2023. Va-t-on manquer de certains minerais pour assurer la transition énergétique? (rfi.fr)
[22] Le lithium, le nickel, le graphite, le cobalt, le néodyme et le cuivre, soutient le rapport de la CTE.
[23] Commission pour la Transition Energétique (CTE). Report Material ans Resource Requirements for the Energy Transition – Traduit en français : « Besoins en matériaux et ressources pour la transition énergétique ». Juillet 2023. Besoins en matériaux et en ressources pour la transition énergétique (energy-transitions.org)
[24] Ibidem., p. 4.
[25] Ibid., p. 26.
[26] Ibid., p. 48.
[27] BRGM. Métaux critiques concilier étique et souveraineté ? Géosciences N°26. Op. cit.
Professionnelle en Droit et gestion des énergies et du développement durable.