Frictions du marché de l’emploi générées par la transition énergétique
La main-d’œuvre constitue un aspect fondamental de la transition énergétique. En effet, celle-ci entraîne la transformation des pratiques d’affaires et l’émergence d’instaurer des emplois, compétences et connaissances liées à la « transition verte »[1]. Cela conduit au besoin de requalifier le marché du travail, d’identifier les secteurs « gagnants » et « perdants » en termes de créations/destructions d’emplois, en fonction des besoins nécessaires à la transition[2].
Selon le rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat et le marché du travail publié par France Stratégie en mai 2023, entre 100 000 et 200 000 emplois supplémentaires y seraient créés d’ici 2030 selon les modélisations de Métiers 2030, de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), de NégaWatt ou de l’Ademe[3].
Certains métiers polluants ou « emplois bruns » verraient leur part dans l’emploi décliner dans le scénario bas carbone. C’est le cas des services de transports, lesquels pourraient perdre près de 10 000 emplois en 2030 en raison d’une diminution des transports routiers que, selon le rapport, le mode ferré ne compenserait pas[4]. Cela en raison d’une évolution vers des mobilités plus sobres en carbone.
En effet, on se trouve dans un contexte de renouvellement du parc automobile où il y a la tendance à acheter des véhicules électriques pour lesquels il y aura moins d’investissements dans la réparation mobile[5].
En revanche, la transition énergétique stimulerait des activités de services aux entreprises. C’est ainsi, que les services administratifs, comptables et financiers gagneraient près de 8 000 emplois supplémentaires en 2030 dans le scénario bas carbone (+1 %)[6]. En particulier, des ingénieurs de l’informatique et des personnels d’étude et de recherche gagneraient chacun 5 000 emplois additionnels soit +1 %[7].
D’autre part, de conformité au The Shift Project (2021a), les transformations autour de cette transition vont générer l’accroissement de la consommation d’électricité d’environ 20 % d’ici 2050[8]. Cela implique de nouveaux besoins de métiers liés à l’énergie[9] :
- Le conseiller d’énergie ;
- L’energy manager dont le rôle est d’optimiser les procédures pour consommer moins d’énergie sans perdre en production ;
- L’agrégateur et l’ingénieur en génie des matériaux.
De même, l’installation des compteurs communicants Linky nécessite des techniciens installateurs. C’est le même cas de la maîtrise de la data notamment avec les gestionnaires de réseau.
En autre, la transition énergétique et écologique requiert des compétences technico-juridiques afin d’appréhender les évolutions juridiques et d’adapter les services [10].
Réallocations intersectorielles
Il y a lieu également à se référer au transfert des compétences inter-filières énergétiques, à savoir, la réallocation de main-d’œuvre. Cela veut dire, en premier lieu, que ce phénomène ne se produira pas forcément dans les mêmes domaines que ceux des emplois perdus, et en second lieu, que les compétences requises dans les nouveaux emplois pourraient n’est pas être transférables à tous les secteurs polluants[11], par exemple, la rénovation des bâtiments pour appliquer les gestes de construction verte et l’extraction des minéraux.
En conclusion, les effets de la désindustrialisation ou de l’industrialisation verte auront par résultat un choc négatif durable sur le marché du travail lequel doit être accompagné de certaines missions pour être amorti[12] :
- Développer des politiques publiques ciblées,
- Formuler des cadres légaux et réglementaires,
- Proposer un cadre de développement des compétences en matière de transition verte afin d’anticiper les besoins de main-d’œuvre,
- Sensibiliser à la population sur les enjeux environnementaux,
- Intégrer des compétences techniques et professionnelles,
- Développer une politique de CDN[13] pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris,
- Contribuer au financement public et privé dédiés au développement des compétences liées à la transition.
Un engagement des parties prenantes à travers le dialogue social pour s’assurer de l’adhésion des employeurs, employeuses, des travailleurs, travailleuses aux changements imposés est notamment indispensable[14].
Pour aller plus loin :
Industrie verte décarbonation projet de loi | vie-publique.fr
Un besoin de 200 000 emplois supplémentaires pour la rénovation énergétique… (aefinfo.fr)
[1] Rapport exploratoire sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre. Comité Sectoriel de main-d’œuvre de l’environnement « Enviro-Compétences ». Octobre 2021. RapportExploratoire_MO-TransitionVerte_SB.pdf (unfccc.int)
[2] Rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat et le marché du travail. France Stratégie. Mai 2023.
[3] Ibidem. p. 15.
[4] Ibidem., p. 16.
[5] Ibidem., p. 41.
[6] Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) | Ministères Écologie Énergie Territoires (ecologie.gouv.fr)
[7] Rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat et le marché du travail. Op. cit. p. 41.
[8] Ibidem., p. 24.
[9] Etabli par Parisot L. (2019), Plan de programmation des emplois et des compétences. Mission de préparation, rapport, février. Cité dans le rapport de France Stratégie. p. 46.
[10] Rapport sur les incidences économiques de l’action pour le climat et le marché du travail. Op. cit. pp. 24 et 25.
[11] Ibidem.
[12] Rapport exploratoire sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre. Op. cit. pp. 37 et 38. RapportExploratoire_MO-TransitionVerte_SB.pdf (unfccc.int)
[13] Contributions déterminées au niveau nationale. Tout savoir sur les CDN | Nations Unies
[14] Rapport exploratoire sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre. Op. cit. p. 37.
Professionnelle en Droit et gestion des énergies et du développement durable.