L’Etat bénéficiaire du service public de l’énergie

L’évolution des prix du gaz sur les marchés de gros en 2021 puis en 2022 est venue changer la donne concernant la question du mécanisme de compensation de l’obligation d’achat.

En 2020, le covid-19 a entrainé une surabondance de l’offre en gaz, ce qui a mécaniquement conduit à la diminution à des seuils très bas des prix de gaz (avec une moyenne mensuelle durant l’été 2020 aux alentours de 5 € / MWh observée sur les marchés de gros, selon l’indice PEG et TTF[1]), les réserves ont donc pu être constitué par des dépenses très faibles. Seulement, l’année 2021 a été caractérisée par un hiver froid et la maintenance du plusieurs terminaux gaziers, les états se sont par conséquent retrouvés à l’été 2021 avec des réserves en gaz faibles, l’abondance de la demande qui en a résulté a entrainé une augmentation conséquente des prix du gaz allant jusqu’à 80 € / MWh en octobre à environ 115 € / MWh en décembre. A cela s’est ajouté la guerre en Ukraine, qui a entrainé des augmentations, culminant entre environ 170 € / MWh et 233 € / MWh en août 2022 selon les places de marchés[2].

Les marchés de l’électricité ont connu une évolution similaire à ceux du gaz puisque le prix de l’électricité est calculé, non pas par rapport au coût moyen de production mais au coût du dernier mégawattheure produit. Cette production se fait par les centrales thermiques brûlant du gaz naturel. Les prix des marchés de l’électricité sont donc corrélés sur ceux du gaz.

Le modèle économique de la méthanisation (presque) à l’équilibre :

La CRE a pris en compte cette évolution du marché, dans sa délibération du 13 juillet 2022 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2023[3]. En effet, la Commission indique que les charges du service public de l’énergie constatées, s’agissant de l’obligation d’achat du biométhane injecté, au titre de 2021 sont de 221,9 millions d’euros, soit une baisse de 161,3 millions d’euros, par rapport à la prévision au titre de 2021, de 383,3 millions d’euros. Cette baisse est due à la hausse des prix de gros du gaz de l’ordre de +27 €/MWh en moyenne et la CRE note que « cet effet est renforcé par le retard dans la mise en service d’installations, entrainant une baisse du volume acheté (- 461,7 GWh) ». Pour 2022, l’impact est encore plus saisissant, la mise à jour de la prévision des charges de service public de l’énergie au titre de 2022 indique un montant de 135,4 millions d’euros pour l’injection du biométhane soit une baisse des charges liées à l’obligation d’achat de 577,5 millions d’euros, par rapport à la prévision initiale au titre de 2022. A nouveau, la CRE met en avant la hausse des prix de gros du gaz de l’ordre de + 70 €/MWh par rapport à 2021 et cela toujours en conjonction avec « un retard dans la mise en service de plusieurs installations (- 1,1 TWh sur l’année) ».

Malgré cette augmentation fulgurante des prix de gros du gaz sur les marchés, on ne peut que constater que le modèle économique de la méthanisation n’est toujours pas complètement pérennisé sans un soutien public budgétaire mais l’Etat français bénéficie de circonstances actuelles favorables pour le soutien au développement de la filière de la méthanisation.

 

[1] Les indices PEG (Point d’échange Gaz) ou TTF (Title Transfer Facility) suivent l’évolution du cours du gaz sur les marchés de gros, le PEG est l’indice de la place de marché française, tandis que le TTF, référence à l’échelle européenne est celle de la place de marché des Pays-Bas

[2] Source EEX : https://www.eex.com/en/market-data/natural-gas/indices#%7B%22snippetpicker%22%3A%221057%22%7D

[3] Délibération n°2022-202, Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 13 juillet 2022 relative à l’évaluation des charges de service public de l’énergie pour 2023

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