You are currently viewing L’impact du Brexit sur le nucléaire européen huit ans après le référendum
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Dans le contexte actuel avec l’Union européenne qui essaie de mettre un terme à sa dépendance au gaz russe, il est intéressant d’étudier l’impact du Brexit sur le nucléaire européen, qui pourrait être une solution aux maux énergétiques de l’UE.

Suite au référendum de 2016, le Royaume-Uni s’engage à sortir de l’Union européenne. S’en suivent, en 2020, deux accords encadrant les nouvelles relations entre l’UE et le Royaume-Uni. Le premier texte est un accord de commerce et de coopération pour encadrer leurs relations dans le futur. Cependant, le deuxième texte est spécifique au sujet de l’énergie nucléaire civile.

Seulement, le 30 décembre 2020 le Royaume-Uni a également quitté la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). Afin d’encadrer « la coopération concernant les applications sûres et pacifiques de l’énergie nucléaire, un texte spécifique a été conclu également le 24 décembre 2020. Ce texte […] a connu une genèse bien moins conflictuelle que pour d’autres thématiques de discussion[1]. »

Déjà à l’origine, le Royaume-Uni était réticent à l’idée d’une Europe intégrée et de supranationalité. Il finira par rejoindre la Communauté économique européenne en 1973, principalement en raison de la guerre froide.

Cependant, l’euroscepticisme des britanniques n’a jamais vraiment été canalisé et est arrivé ce qu’il devait arriver : le Brexit. Suite aux résultats du référendum du 23 juin 2016, le Royaume-Uni décide ce jour-là de quitter l’UE. Ce qui sera consacrer le 31 janvier 2020. Ce faisant, le Royaume-Uni met un terme à sa participation aux accords dans lesquels l’Union était partie, dont Euratom.

Au moment du référendum, il n’a pas été mentionné qu’en se retirant de l’UE, le Royaume-Uni se retirerait également d’Euratom. Euratom et l’UE sont liés par des institutions communes mais sont des entités distinctes sur le plan constitutionnel et juridique, cependant leur processus de retrait/sortie sont régis par le même article : l’article 50 du Traité sur l’UE.

Mais qu’est-ce qu’est réellement Euratom?

Euratom est le nom commun du traité instituant la CEEA, la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique. En 1955, les six pays fondateurs créent « Euratom » proposant la mise en place d’une intégration européenne concernant l’énergie atomique.

Le traité instituant Euratom est signé le 25 mars 1957 et entre en vigueur en 1958. Il met en place une véritable organisation que cela soit en matière de fonctionnement ou de but recherché[2] avec un véritable système institutionnel qui reproduit le système de la Communauté économique européenne, avec : une assemblée (devenue le Parlement), une cour de justice, un conseil et une commission. La Commission n’a cependant pas eu l’autorisation des gouvernements nationaux pour acquérir des compétences supranationales. Cela freine grandement le “développement d’une puissante industrie nucléaire”, objectif principal du traité d’Euratom.

Le Royaume-Uni a choisi de quitter ce traité en quittant l’Union européenne mais il n’abandonne pour autant pas la question du nucléaire. Plus de 4 ans après le référendum du 23 juin 2016, le Royaume-Uni a conclu le 24 décembre 2020 un accord de commerce et de coopération avec Euratom. Cet accord, dont la base juridique est exclusivement le traité Euratom, devrait faciliter les échanges et la coopération dans le secteur du nucléaire civil, c’est-à-dire toutes les utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire[3].

 Quelles sont les normes européennes en matière d’énergie nucléaire ?

Le nucléaire est l’objet d’un large éventail de normes édictées par l’Union européenne. Dès 1957, l’Union se dote de normes pour régir le nucléaire civil. Ces normes ont beaucoup évolué depuis et nous allons nous focaliser sur celles qui sont en vigueur aujourd’hui[4].

Concernant la sûreté nucléaire. Elle se rapporte à l’exploitation sûre des installations nucléaires, à laquelle s’ajoutent la radioprotection et la gestion des déchets radioactifs. C’est la directive 2013/59/Euratom qui pose les bases de celle-ci en établissant une protection minimale de la santé des individus exposés aux radiations. En 2021, le règlement Euratom 2021/948 est adopté donne un budget de 300 millions d’euros pour la période 2021-2027 en matière de sûreté nucléaire.

La directive 2014/87/Euratom qui remplace la directive 2009/71/Euratom après les événements de Fukushima, met en place des mesures de sécurité pour l’utilisation du nucléaire.

La directive 2013/51/Euratom encadre le contrôle des substances radioactives dans les eaux destinées à la consommation humaine. De plus, le règlement Euratom 2016/52 fixe les niveaux maximums de contamination radioactive tolérés pour l’alimentation des animaux après tout incident ayant impliqué le nucléaire.

Après l’accident nucléaire de Tchernobyl, le règlement n°1048/2009 et le règlement d’exécution 2020/1158 établissent des conditions régissant les importations de produits agricoles originaires de pays tiers à l’Union.

La directive 2011/70/Euratom réglemente la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs. La directive 2006/117/Euratom établit un régime pour la surveillance du transfert de ces déchets et le transfert des combustibles nucléaires. Cette directive vise à protéger la population de ces transferts. Ces transferts sont aussi régis par le règlement Euratom 1493/93 du Conseil. L’Union européenne a à cœur le sujet du nucléaire civil, en démontre son importante législation en la matière.

Où en est le nucléaire aujourd’hui en Europe ?

Après près de 50 ans d’appartenance à l’UE, les marchés de l’énergie de l’UE-27 et du Royaume-Uni sont étroitement liés, grâce aux interconnexions électriques et aux gazoducs qui relient la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord, d’une part, et la France, les Pays-Bas, la Belgique et l’Irlande, d’autre part. Ces dernières années, le Royaume-Uni a été un importateur net d’énergie, l’UE assurant environ 5 à 10 % de son approvisionnement en électricité et une part variable (4 à 12 %) de ses besoins en gaz[5].

Par ailleurs, « environ un quart de l’énergie de l’UE est d’origine nucléaire, dont plus de la moitié est produite en France. Au total, 103 réacteurs sont en service dans 13 des 27 États membres. En 2019, ils ont fourni environ 50 % de l’électricité à faible teneur en carbone[6]. »

L’énergie nucléaire joue un rôle important dans la production d’électricité de l’UE, mais son avenir est sujet à débat en raison de divergences d’opinion et de préoccupations de sécurité. Chaque pays décide souverainement de son inclusion dans son mix énergétique.

Malgré le fait que le Royaume-Unis, qui était le deuxième pays le plus producteur de nucléaire dans l’UE, n’ai quitté la Communauté Euratom, « des pays qui, jusqu’alors, n’étaient pas de grands producteurs d’énergie nucléaire ont récemment augmenté leur production. En 2022, la production des Pays-Bas a augmenté de 19,8 %, celle de la République tchèque de 19,1 %, celle de la Hongrie de 17,5 % et celle de la Finlande de 10,6 %[7]. »

D’autres pays comme l’Allemagne sont contre le nucléaire. Cette dernière a, le 15 avril 2023, fermé ses trois derniers réacteurs nucléaires en activité. Cette décision est le fruit d’une longue discussion dans le pays depuis 1998. Seulement, cela change drastiquement le paysage énergétique du pays et de l’Europe.

D’un côté, le désaccord entre la France et l’Allemagne sur l’énergie nucléaire a donné lieu à des débats houleux dans le cadre de la récente réforme de l’électricité de l’Union européenne.

D’un autre côté, le Royaume-Uni indique dans sa feuille de route pour le nucléaire civil, vouloir quadrupler, d’ici à 2050, sa puissance nucléaire.

 

[1] Premier ministre – Comité Technique Euratom : « Actualité : Accord Euratom/Royaume-Uni : quelles conséquences ? », publié le 13 janvier 2021

[2] Joël BOUDANT. « Dalloz : Répertoire de droit européen ». Euratom juillet 2016, actualisé en janvier 2020: Répertoire de droit européen | Dalloz (grenet.fr)

[3] Comité technique Euratom : Accord Euratom/Royaume-Uni: quelles conséquences?

Lien: CTE – Accord Euratom/Royaume-Uni : quelles conséquences ?

[4] Matteo Ciucci, L’énergie nucléaire, septembre 2022

L’énergie nucléaire | Fiches thématiques sur l’Union européenne | Parlement européen (europa.eu)

[5] Europa – Energy, Climate change, Environment « United Kingdom : Post-Brexit relations on energy fall under the EU-UK Trade Cooperation Agreement and the Euratom-UK Agreement. »

[6] Euronews – « L’Europe reste divisée sur la question de l’énergie nucléaire », publié le 27 avril 2023 (mis à jour le 1er avril 2024)

[7] Euronews – « Quel avenir pour l’énergie nucléaire dans l’Union européenne », par Heloise Urvoy, publié le 18 mars 2024.