Quitter les énergies fossiles, s’orienter vers des énergies plus vertes, développer l’électrification par le déploiement de parc nucléaire conséquent dans des objectifs de souveraineté et d’indépendance énergétique, est un moyen efficace de lutter contre le changement climatique, mais ne déplace-t-on pas nos dépendances ?
La déplétion des réserves de pétrole et les conséquences climatiques des quantités qui seront fortement sollicitées lors du prochain pic pétrolier, prévu en 2028, nous force d’urgence à réduire notre dépendance aux énergies fossiles, plus précisément au pétrole. Ainsi si l’on veut respecter les Accords de Paris, et rester sous la barre des 2° à horizon 2100, cela consiste à laisser dans le sol la moitié des réserves mondiale en pétrole.
Pour pallier les propriétés très séduisantes de cette énergie, étant la plus concentrée ainsi que celle qui s’extrait, se transporte et se stocke le mieux, l’énergie nucléaire est semble-t-il le substitut le plus rationnel au regard de sa capacité de production. Ces avantages sont fréquemment mis en avant. En effet, sa capacité à rendre, l’Etat qui l’utilise, davantage souverain et indépendant dans sa gestion et production de l’énergie est un réel atout pour les pays qui s’en saisissent.
Du haut de ses 56 réacteurs à eau pressurisée (EPR) répartis dans 18 centrales nucléaires, la France est le deuxième parc nucléaire au monde en termes de puissance. En fonction des années, cela lui permet de produire 60 à 70% de son électricité d’origine nucléaire et donc d’avancer dans sa quête d’autosuffisance et de sécurité d’approvisionnement énergétique.
Pour faire fonctionner cette énergie, une ressource naturelle est fondamentale: l’uranium. Utilisé comme un combustible, c’est un métal radioactif qui se trouve dans le sous-sol et dont ses propriétés font de lui l’élément naturel le plus lourd sur Terre. La fission de cet atome au contact d’un neutron créer de la chaleur qui transforme de l’eau en vapeur, permettant la mise en mouvement d’une turbine reliée à un alternateur qui produit de l’électricité.
Ce minerai est composé de 2 isotopes, l’uranium 238 radioactif 4,5 milliards d’années et l’uranium 235 radioactif 700 millions d’années. Cependant, seul l’U235 est l’isotope fissile. Il doit être enrichi à des taux de 2 à 4% pour pouvoir être utilisé dans l’industrie.
Bien que la France dispose d’un parc de centrales nucléaires conséquent, les ressources en uranium elles, ne sont que peu présentes sur son territoire. Les gisements présents en France ont été exploités entre 1945 et 2001, et sont désormais totalement fermés. Il faut donc se tourner vers une importation internationale, vers les pays producteurs d’uranium. Les principaux gisements se trouvent en Australie, aux Etats-Unis, au Canada, en Afrique du Sud et en Russie. La France s’est orientée vers le Kazakhstan, le Niger et l’Ouzbékistan pour importer ce précieux métal.
Orano, la multinationale française spécialisée dans les combustibles nucléaires, exploite majoritairement les mines d’uranium de l’Aïr qui se situe dans le désert au Nord du Niger. Elle y fore trois mines, dont une est déjà fermée depuis 2021 car les réserves y sont épuisées. Tout d’abord, la forage minier nécessaire à l’extraction de ce métal est l’une des activités des plus émettrices, si ce n’est la plus émettrice, de gaz à effets de serre. De plus, le 2 août 2023 un coup d’Etat a été perpétré au Niger(1), cet évènement majeur à mis en péril la pérennité et les certitudes des projections faites sur ces importations. Bien que le marché mondial de l’uranium n’ait finalement pas été bouleversé par cet événement, l’actuelle multiplication des tensions impose d’appréhender avec précaution nos sources d’approvisionnement, qui n’est vraisemblablement pas une chose certaine.
L’urgence écologique suscite l’attention des pays vers le nucléaire, ce phénomène à été largement accentué par la guerre en Ukraine et les réflexions qu’elle a amené en termes d’approvisionnement et d’indépendance énergétique. En effet, de nouveaux pays comme la Bulgarie ou la Suède s’orientent vers la filiale nucléaire, cela a une réelle incidence sur l’approvisionnement des matériaux nécessaires au fonctionnement de cette énergie.
Les quantités des réserves nigériennes se sont progressivement réduites et les coûts d’exploitations n’ont fait qu’augmenter. En effet, fin août dernier l’on a fait face à l’explosion de la demande mondiale d’uranium. Les quantités de réserves nigériennes se sont progressivement réduites et les coûts d’exploitations n’ont fait qu’augmenter. Cette stimulation future des mines d’uranium est à prendre en compte dans les projections relatives à l’offre, car ces choix énergétiques ont entraîné une hausse des prix après dix ans de stagnation.
En septembre dernier, l’Association Nucléaire Mondiale à annoncé que la demande d’uranium devait connaître une hausse de 28% d’ici 2030, qui devrait même doubler dans les années suivantes (2).
Néanmoins, en 2020 l’AIEA affirmait dans une étude (3) que « les ressources d’uranium sont suffisantes pour permettre l’utilisation durable, à long terme, de l’énergie nucléaire », dans la même position l’entreprise Synatom assurait que l’approvisionnement en combustible est assuré sur 130 ans de production nucléaire future.
Le Climat géopolitique et les tensions actuelles dans l’ensemble du proche orient et de l’Europe, suscite une attention particulière aux ressources en uranium, en effet elle ne favorise pas une projection favorable des scénarios d’offre pérenne. Ce contexte impose de réfléchir, au regard du principe de précaution, sur les sources stratégiques d’approvisionnement et dans cette mesure de s’orienter vers des choix raisonnés qui répondront tant aux politiques de transition énergétique que de sécurité d’approvisionnement.
La définition de la notion de développement durable incluant la notion de droits des générations futures nous rappelle à tous la nécessité de penser intelligemment l’héritage que l’on lègue à notre prochain. Bien que l’uranium comble certaines des lacunes du pétrole dans ses effets sur le climat, il reste un minerai controversé par ces propriétés hautement radioactive, par l’activité de forages miniers massivement émettrices de CO2 et la dépendance qu’elle créer aux gisements d’uranium, mais aussi par l’enfouissement des déchets. Que lègue-t-on aux générations futures ?
Ne passe-t-on pas d’une dépendance à une autre ? D’autres théorèmes s’ouvrent à nous, comme la théorie des communs (article à suivre) nous permettant de s’interroger sur la finitude des ressources planétaires et de repenser nos modes de consommation plus propres et responsables pour les générations à venir.