La navigation de plaisance chamboule le milieu marin en Méditerranée

Dauphin rayé (Stenella coeruleoalba) dans le sanctuaire Pelagos, mer Ligure

La Méditerranée est le lieu touristique par excellence avec son soleil étincelant, ses plages et son eau transparente. Mais derrière cet afflux de touristes et d’embarcations en tout genre, chaque année se cache une menace grave pour les cétacés.

Les eaux de la Méditerranée sont riches d’espèces de grands mammifères marins. Ainsi, elle comprend environ une vingtaine d’espèces que l’on peut rencontrer plus ou moins fréquemment et 18 espèces qui peuvent être considérées comme faisant partie de son peuplement. On retrouve notamment le Dauphin bleu et blanc (Stenella coeruleoalba), le Dauphin commun (Delphinus delphis) ou encore le Cachalot commun (Physeter macrocephalus).

Cependant une diminution du nombre de ces individus est observée depuis de nombreuses années. Une corrélation a pu être observée entre l’affluence toujours plus importante de bateaux en Méditerranée, et la baisse croissante des cétacés dans ces eaux. La mer Méditerranée est l’un des espaces maritimes les plus fréquentés dans le monde.

Cette baisse du nombre d’individus est liée à de nombreuses menaces.

Les différentes menaces

Bien souvent les plaisanciers sont attirés par ces animaux marins et s’approchent trop près d’eux, voire se lancent dans une véritable course poursuite pour essayer de les apercevoir. Le plus souvent ces cétacés cherchent à fuir ces bruits de moteurs qui les effraient. Dès lors, ces grands mammifères s’épuisent à esquiver ces diverses sources de pollutions sonores, ou se retrouvent perturbés dans leur cycle de sommeil et ceci impacte leur équilibre et leur comportement.

De plus, ces animaux sont aussi soumis aux bruits générés par le trafic maritime. Cela entraine une augmentation du bruit sous-marin qui perturbe les fréquences, et empêche une bonne communication des cétacés. Ils se retrouvent alors déboussolés. En effet, l’ouïe des cétacés est extrêmement développée, et ce niveau élevé de bruit qui ne cesse d’augmenter avec le trafic maritime, a pour effet de stresser énormément les individus. Cela peut entrainer, pour certains animaux, jusqu’à éviter leur habitat s’ils font face à des dérangements répétés.

Ensuite, l’un des plus grands risques auxquels sont confrontés les cétacés sont les collisions. Lorsqu’un navire s’approche près d’un individu, le risque est fort de le percuter. Cela peut entrainer des mutilations, voire une issue fatale pour l’animal. Ce sont généralement les cargos et les bateaux de croisières qui sont impliqués dans ces collisions.

Les rorquals communs et les grands cachalots sont les espèces les plus particulièrement touchées par ces collisions. En effet, leur taille imposante est un facteur favorisant les collisions. Selon WWF (Fonds mondial pour la nature), « Les collisions sont la première cause de mortalité non naturelle pour les cachalots et les rorquals communs au sein de Pelagos » (Pelagos est un espace maritime avec un accord entre l’Italie, Monaco et la France pour la protection des mammifères marins qui le fréquentent).

Les diverses solutions envisagées

Quelques solutions ont déjà été mises en place pour essayer de diminuer l’impact néfaste du trafic maritime de plaisance sur les cétacés.

Depuis 2007, le logiciel Repcet a été déployé pour limiter les collisions entre les navires et les cétacés. C’est un système informatique de surveillance des positions de ces mammifères qui est installé sur les navires. Celui-ci, via le renseignement de membres d’équipages ayant vu le cétacé, informe les navires alentours lorsque la présence d’un cétacé est constatée.

De même baisser la vitesse des navires permettrait de réduire ces risques de collision et de nuisance pour les cétacés.

Egalement, afin de protéger les cétacés, l’Arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection a été modifié. En effet, à compter du 1er janvier 2021, l’approche à moins de 100 mètres des cétacés est interdite dans les aires marines protégées. En Méditerranée c’est environ 8% des eaux qui sont ainsi protégées. Cependant, les scientifiques du CRIOBE (Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement) ont affirmé dans une étude publiée le 24 avril 2020 dans One Earth, que « des niveaux de protection complets et élevés », qui permettraient d’apporter de réels avantages écologiques, n’étaient pas suffisamment appliqués dans ces eaux.

Enfin, la France ainsi que l’Espagne, l’Italie et la principauté de Monaco ont déposé récemment, le 8 septembre 2022, un dossier de demande de désignation d’une zone maritime particulièrement vulnérable dans le Nord-Ouest de la Méditerranée. Celui-ci sera examiné le 12-16 décembre prochain lors de la 79ème session du comité de protection de l’environnement marin (MEPC) de l’Organisation maritime internationale, et s’il est accueilli favorablement, il permettra de protéger plus efficacement les cétacés présents dans ces zones.

Il reste donc indispensable d’informer activement les plaisanciers, et plus généralement tous les usagers des espaces maritimes sur le respect de la tranquillité de ces grands mammifères marins, et d’instaurer une véritable protection des habitats de ces cétacés afin de garantir une meilleure cohabitation entre l’homme et ces animaux.

 

 

Sources :

www.cetaces.org

www.repcet.com/quest-ce-que-repcet/

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000024396902/

https://www.cell.com/one-earth/fulltext/S2590-3322(20)30150-0

https://www.premar-mediterranee.gouv.fr/dossier/les-aires-marines-protges

A propos de Alexandra COGAN