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Antarctique, « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » : préservation ou exploitation ? (Partie 2)

L’Antarctique pourrait en ce sens jouer un rôle majeur à l’avenir car on estimerait que le territoire recèlerait au moins 203 milliards de barils de pétroles[1]. Attirés par les possibles richesses minérales de cette terre, certains pays Parties au Traité frôlent déjà la violation du Traité, en déployant des activités de prospection minière dans les mers environnantes dont la souveraineté dépend de chaque Etat. C’est notamment le cas de le Russie qui a récemment effectué de telles activités en 2020, puis 2021, via le groupe Rosgeo[2], plus grand groupe russe dans le domaine de la géologie et des recherches minières. Ces récentes explorations s’inscrivent dans une politique claire du Kremlin de tirer profit des données géologiques en Antarctique dans une optique future d’exploitation des ressources minérales.  La Russie pourrait ainsi transgresser le Protocole. Mais, en jouant la carte de l’hypocrisie, elle pourrait contourner l’interdiction : il s’agit de faire passer la prospection pour de la recherche scientifique en insistant sur l’acquisition de connaissances primordiales pour connaître certaines causes du réchauffement climatique. Le professeur Alan Hemmings, de l’Université de Canterbury, spécialisé dans la gouvernance en Antarctique, parle sur ce point de blanchiment de la prospection minière en Antarctique.

La Russie n’est, par ailleurs, pas la seule à blâmer. La Chine suit peu ou prou la même politique. Elle se montre même plus entreprenante. L’Empire du milieu n’a cessé de multiplier son implantation de centres de recherche en Antarctique, bravant d ‘ailleurs sur ce point le Protocole de Madrid en construisant une cinquième base achevée en 2022. Il est aussi clair que la Chine voit d’un bon œil les intérêts géologiques de l’Antarctique.

Face aux événements conflictuels en Europe avec la Russie et la puissance grandissante de la Chine, il est envisageable que le Traité sur l’Antarctique et son protocole soient amenés à être contournés, voire clairement violés. La préservation de l’Antarctique n’est donc toujours pas définitivement assurée et le manque de moyens prévus par les textes pour faire face à une violation ne facilitera pas le maintien de leurs principes.

On peut néanmoins espérer que l’esprit particulier du Traité et de sa formation continue d’irriguer la diplomatie qui règne encore aujourd’hui en Antarctique. C’est notamment ce qu’ont réaffirmé récemment une équipe de chercheurs ukrainiens en réaction à la guerre en Ukraine : « ici en Antarctique, tous les États respectent leurs accords internationaux conformément au Traité sur l’Antarctique et respectent le droit international et visent une coopération pacifique »[3].

[1] Selon une étude du Lown Institute

[2] Up’Magazine, Malgré les interdictions, la Russie explore l’Antarctique à la recherche d’énormes gisements de pétrole, Charles-Elie Guzman

[3] Rtbf.be, L’impuissance des douze scientifiques ukrainiens en Antarctique, terre de paix

A propos de Ugo POLIGNONE