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Antarctique, « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science » : préservation ou exploitation ? (Partie 1)

Du 1er juillet 1957 au 31 décembre 1958, de nombreuses recherches sur les sciences de la Terre sont lancées conjointement à l’échelle mondiale, lors d’une période d’activité solaire maximum. C’est l’Année géophysique internationale (AGG), événement qui se soldera par des observations primordiales et le commencement de l’ère spatiale. Dans le même temps, on assiste à la multiplication des recherches scientifiques en Antarctique. Cette « dernière frontière » va alors nécessairement faire l’objet d’un cadre juridique qui, s’il constitue un bel exemple de coopération pacifique, n’est pas exempt de défauts. L’arrivée d’un supposé terme à ce cadre et les intérêts nationaux, notamment en matière énergétique, risquent-ils de mettre à mal sa pérennité ?

 

À Washington, le 1er décembre 1959, douze Etats s’étant impliqués dans la recherche dans et autour de l’Antarctique durant l’AGG signent le Traité sur l’Antarctique. Faisant du continent blanc un territoire consacrés à des activités pacifiques, il sera complété par un Protocole relatif à la protection de l’environnement entré en vigueur en 1998. Ce dernier instaure notamment un moratoire sur la prospection et l’exploitation des ressources minérales[1] qui se traduit en droit français par une infraction punie de deux ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende[2] Cependant, cette mesure possède, selon certains, un terme qui viendrait contrecarrer sa stabilité.  En effet, selon les termes de ce protocole, à l’expiration de 50 ans à compter de son entrée en vigueur, toute Partie consultative du Traité sur l’Antarctique pourra demander sa réexamination[3].Concrètement, à partir de 2048, il est envisageable que le protocole soit amené à être modifié, notamment dans le sens d’une ouverture aux activités minières en Antarctique.

 

Cependant, des garde-fous sont à mettre en avant. Tout d’abord, quant à la période antérieure à 2048, le protocole de Madrid prévoit une possibilité de modification qu’avec l’accord unanime de toutes les parties à la Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique[4] (RCTA). L’unanimité paraît inenvisageable à l’heure actuelle. Pour ce qui est de la modification postérieure à 2048, la modification ne peut être adoptée qu’à « la majorité des Parties, y compris les trois quarts des Etats qui sont Parties consultatives au Traité sur l’Antarctique au moment de l’adoption du présent protocole »[5]. Il est difficile de se prononcer quant aux intérêts des diverses Parties postérieurement à 2048, cependant il semble cohérent qu’une majeure partie d’entre elles reste attachée au maintien de l’interdiction. Cette modification est d’autant plus contraignante que le Protocole de 1998 prévoit dans son article 25 paragraphe 5 a) que l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales de l’Antarctique est maintenue, sauf instauration d’un régime juridique obligatoire qui doit respecter les intérêts des Etats mentionnés dans l’article IV du Traité sur l’Antarctique et les principes du dit traité. Autant dire que la modification après 2048 est très contraignante…

Aussi, le Traité sur l’Antarctique et son protocole ont vocation à être éternels. La modification, si elle est envisageable, demeure néanmoins quasi impossible. Mais, se pose néanmoins la question de leur respect par les différentes Parties, dans un contexte actuel de crise énergétique. En effet, si la recherche d’hydrocarbures ne serait sans doute pas primordiale en 2048, dans l’éventualité où les Etats parviennent à ne plus dépendre des énergies fossiles, elle reste aujourd’hui centrale.

[1] Article 7 du Protocole au Traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement

[2] Art. L.713-5 2° du code de l’environnement

[3] Article 25, paragraphe 2 du Protocole au Traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement

[4] Article XII, paragraphe 1, alinéas a) et b) du Traité sur l’Antarctique

[5] Article 25, paragraphe 3 du Protocole au Traité sur l’Antarctique, relatif à la protection de l’environnement

A propos de Ugo POLIGNONE