C’est l’histoire de deux élevages dans la tourmente et d’un parc éolien, illustrant parfaitement le principe selon lequel “corrélation n’est pas causalité”.

I Les faits

Tout commence en août 2012, en Loire-Atlantique (44), lors de la construction d’un parc éolien composé de 8 aérogénérateurs sur 4 communes (Nozay, Abbaretz, Puceul, Saffré). Le parc éolien est situé respectivement à 800 m et 1300 m de deux élevages.

Dès octobre 2012, les éleveurs constatent des troubles qui s’aggravent après la mise en service du parc en juin 2013. Les troubles sont les suivants : mammites, baisse de la production de lait, troubles de la reproduction, troubles du comportement, retard de croissance des veaux.

Un géobiologue intervient à la fin de l’année 2013. L’ANSES considèrera que le rapport de ce dernier (ainsi que les suivants) présente des limites méthodologiques majeures : “objectifs et méthodes/protocoles non présentés, confusion entre les mesures de flux magnétique et de courant induits, manque de maîtrise des notions électromagnétiques élémentaires, forte incertitude sur les mesures, liée à la qualité limitée des instruments de mesures, erreurs de calcul“.

En 2014, les éleveurs déclarent les nuisances à la Préfecture du département qui lance une enquête (audits laitiers, électrique, visites vétérinaires, mesures des infrasons, contrôle des câbles, essais de déconnexion, rapport de géobiologue), une tierce expertise est mené entre février 2015 et juin 2016.

En 2018, saisie par le Ministère de la Transition Écologique, l’ANSES lance une étude et publie son rapport en octobre 2021.

II La méthode de l’étude

Il s’agit d’une “méthode d’imputabilité basée sur différents critères qui,
considérés conjointement, conduisent à une conclusion objective et reproductible allant, selon les cas, de l’exclusion à une probabilité plus ou moins élevée de lien de cause à effet à l’aide de 3 critères
: l’antériorité du facteur sur l’effet, une association facteur-effet suffisamment forte et l’absence d’autres facteurs (de confusion)”.

Pour les besoins de l’étude, les groupes de travail ont construit une méthode spécifique d’attribution de l’imputabilité (d’exclue à très probable) à un couple agent physique-trouble. Un niveau d’incertitude global a été associé à chaque score d’imputabilité (allant de faible à élevé).

On évalue de manière indépendante, l’exposition à un agent physique déterminé, la chronologie du trouble, le diagnostic différentiel (les autres causes du trouble) ainsi que la bibliographie du lien entre agent-physique et trouble.

En outre l’ANSES a sollicité des retours de ses homologues européens sur des cas similaires dans des pays où l’éolien est implanté dans une proportion plus importante.

III Les hypothèses retenues

Plusieurs phénomènes sont retenus dans l’étude. D’abord les champs électromagnétiques (CEM) : “présents au niveau des éoliennes, en liaison avec les équipements de production et de transformation, situés dans la nacelle à une centaine de mètres de hauteur, et de transport de l’électricité”.

Ensuite les courants parasites, qui peuvent être induits par les CEM, les pertes électriques, les défauts de mise à la terre, les structures métalliques etc.

Les ondes acoustiques et les infrasons (inaudibles) du fait du mouvement de l’air autour des pales et du fonctionnement des composants dans la nacelle.

Enfin les vibrations liées à l’éolienne (fondations, mât, nacelle, pales) et mouvements du rotor.

Il est à noter que ces phénomènes peuvent être causés par d’autres facteurs qui peuvent renforcer l’exposition (lignes électriques, lignes ferroviaires, les infrasons émis par le vent et la végétation, les appareils électriques utilisés, les engins agricoles etc).

IV Les résultats

Les conclusions sont sans appel : bien que les animaux aient effectivement soufferts de maux, la présence d’éoliennes à quelques kilomètres n’en est pas de nature à causer de telles afflictions.

Sur la quasi totalité des couples trouble-agent physique (78 sur 92) l’imputabilité aux éoliennes est exclue et non-exclue/douteuse pour un seul des couples. L’Agence n’émet pas de conclusions sur les treize couples restants car le niveau d’incertitude est très élevé (les troubles constatés n’évolue pas de manière significative lors de la mise en exploitation du parc ou les éoliennes ne contribuent que faiblement à l’exposition dans d’autres cas similaires).

Sources :

ANSES. (2021). Avis relatif à l’imputabilité à la présence d’un champ d’éoliennes de troubles rapportés dans deux élevages bovins. (Saisine 2019SA0096). MaisonsAlfort: Anses, 29 p. : https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2019SA0096Ra.pdf

A propos de Eva-Luce BAILLY