La révolution énergétique du numérique : les effets environnementaux de ce secteur
Les émissions de dioxyde de carbone sont produites non seulement par des activités industrielles à grande échelle dû à la combustion d’énergies fossiles, des procédés industriels, des élevages, agricoles et du traitement des déchets, mais aussi de la consommation électrique et des émissions liées à la fabrication et au fonctionnement des équipements électriques et électroniques (EEE) et des traitement de l’information.
Étant donné que l’Accord de Paris sur le climat cherche à aboutir à une diminution des émissions de CO2 de -7,6% par an à l’horizon 2050[1], les technologies ne peuvent pas échapper à l’analyse de leur influence sur l’environnement tout au long de leur cycle de vie.
Il semble nécessaire de reconsidérer la manière avec laquelle la chaîne de valeur du secteur de
l’industrie du numérique est structurée tout en laissant la possibilité de changer certains processus et comportements, ce qui marquera une révolution énergétique du numérique.
L’origine de la problématique :
La consommation d’électricité, surtout celle des datas centers et des réseaux, prévoit une absence de données qui compliquerait la mesure de leur consommation d’énergie afin d’avoir une estimation fiable de l’empreinte carbone générée pour l’activité numérique.
De ce fait, il existe une préoccupation au niveau européen de « maîtriser l’ensemble de la chaîne de
valeur numérique ».[2] Pour parvenir à cet objectif il faudra que les États se préparent pour avoir une harmonisation règlementaire à l’égard de « l’élaboration, le fonctionnement et la maintenance des équipements »[3] qu’ils vont produire, et ainsi mettre en place des transformations dans le secteur.
En outre, il risque d’y avoir de plus en plus une tendance à la hausse de la consommation d’énergie grâce à l’apparition des nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle ou le 5G et les réseaux intelligents tels que le blockchain, le smart-grid ou encore l’internet of things (IoT).
L’impact environnemental des actions numériques
La fabrication des équipements constitue le 40% de l’impact global du numérique [4]. De même, de conformité avec France Stratégie [5], d’ici 2025 la consommation énergétique du numérique devrait continuer à croître à un rythme annuel de 10%.
Par ailleurs, selon les calculs faits par l’association française Shift Project entre 2013 et 2017, la
consommation globale du numérique a augmenté de 2000 à 3000 TWh par an et aura la tendance à la hausse entre 5700 et 7300 TXh en 2025 en ayant le 14% de la consommation électrique mondiale.
Effectivement, la consommation d’électricité du numérique en 2017 a représenté environ 2.7% de la
consommation globale d’énergie finale au niveau mondiale et s’envisage en 2025 entre 4,7% et 6%[6].
C’est ainsi que selon France Stratégie « la traduction de cette consommation d’énergie en émission de gaz à effet de serre est importante, car le numérique représente aujourd’hui environ 4% des émissions totales des GES en 2017 et devrait représenter 7,6% en 2025 »[7].
D’autre part, la consommation d’énergie des systèmes informatiques fait partie d’un enchaînement entre les différentes phases du cycle de vie des appareils, à savoir :
– L’extraction et la transformation de minerais en amont
– La phase de production des appareils
– Le transport
– L’usage par le consommateur
– Le fonctionnement et maintenance des équipements technologiques et le traitement d’information
– Le traitement en fin de vie (recyclage et réutilisation des équipement électriques et électroniques).
La France a déjà mis en place certaines règlementations vis-à-vis de cette problématique en proposant des solutions pour faire face à l’augmentation de la consommation d’énergie liée au numérique. C’est ainsi qu’on trouve entre autres :
1. L’obligation d’information sur la disponibilité ou la non-disponibilité des pièces détachées.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation vise à lutter contre l’obsolescence programmée des produits. Cette loi établie que, lors de l’achat, les consommateurs seront informés de l’existence et de la disponibilité de pièces détachées par le vendeur (art. L. 111-4, al.1er du code de la consommation).
2. Garantir la durabilité et réparabilité des équipements en réduisent l’impact de leur fabrication
En effet, l’article L. 111-4, alinéa 2, du même code impose au fabricant ou l’importateur dans un délai de quinze jours à compter du 1 er janvier 2022 en application de la loi 10 février 2020,
l’obligation de fournir l’information sur la disponibilité ou la non-disponibilités des pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens fournis aux vendeurs professionnels, aux réparateurs ou aux reconditionneurs (ajouté par la L. No 2021-1485 du 15 nov. 2021, vise à réduire l’empreinte environnementale du numérique (REEN) en France).
Devoir qui vient à être renforcé par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, en permettant « de réparer des équipements électriques et électroniques (…) lequel devient obligatoire en 2021. De même, le réparateur doit aussi proposer des pièces de rechange d’occasion »[8].
3. Faciliter la réparation des biens
Grâce à cette loi « certains équipements électriques et électroniques (…) doivent comporter, à partir de 2021, un indice de réparabilité cas où le réparateur doit aussi proposer des pièces de rechange d’occasion. Un indice de durabilité (fiabilité, robustesse du produit…) sera également mis en place en 2024 »[9].
4. Concevoir l’efficacité et complétude du recyclage des équipement pendant la fin de phase de vie.
C’est un aspect considéré par le règlement UE 2019/ 424 sur l’écoconception des serveurs et produits de stockage de données qui vise à normativiser les choses en matière de consommation d’énergie en utilisation et de l’efficacité des ressources. C’est aspect concerne principalement les concepts de :
– Réparabilité
– Réutilisabilité
– L’évolutivité
– Recyclabilité
5. L’information des consommateurs
L’article L. 541-9-1 de la loi de 2020 impose l’obligation sur les producteurs et importateurs de produit générateurs de déchets d’informer sur les caractéristiques environnementales des produits proposés à la vente (durabilité, la réparabilité, la recyclabilité et la présence des substances dangereuses, de métaux précieux ou de terres rares) sur leur qualités et caractéristiques environnementales en cohérence avec le droit de l’UE.
À l’égard des équipements du numérique, « les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs mobiles doivent, pour leur part, informer leurs clients de leurs émissions de gaz à effet de serre liées à leurs consommations internet et mobile »[10].
En fin de compte d’ici 2025 il y aura une évidente augmentation exponentielle des émissions de CO2 liée au numérique qui passe par la chaîne de valeur des équipements électroniques et des logiciels.
Même si l’UE et la France ont progressé dans leurs règlementations pour apaiser et diminuer la pollution émise par le numérique, il y a un risque que tout cela s’aggrave. On se demande alors si les normes mises en place à l’égard de ce sujet seront efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique et si elles constituent vraiment un pas vers la « révolution énergétique ».
Sources :
Conseil Général de l’Economie de l’Industrie, de l’Energie et des technologies. Réduire la consommation énergétique du numérique. Rapport dirigé au Vice-président du Conseil Général de l’Economie. Décembre 2019
Association Nationale Recherche Technologie. Note de synthèse : Énergie et Numérique : des défis réciproques. p.p Mai 2022
Loi 10 février 2020 lutte contre le gaspillage et économie circulaire | vie-publique.fr
La transition numérique au service de la révolution énergétique (eurotechconseil.com)
« Pour une sobriété numérique » : le nouveau rapport du Shift publié (theshiftproject.org)
L’empreinte environnementale du numérique | Arcep
La consommation énergétique du numérique : l’impossible maîtrise de la croissance de la consommation par le seul progrès technologique | France Stratégie (strategie.gouv.fr)
Baromètre du numérique 2021 | economie.gouv.fr
consommation-energique-numerique.pdf
[1] Association Nationale Recherche Technologie. Note de synthèse – Énergie et Numérique : des défis réciproques. Mai 2022, p. 6 anrt_energie_et_numerique_rapport_snre_2022.pdf
[2] Rapport établit par CAMPANA M, SCHMITT M, SIBEN C, CUEUGNIET J pour le Conseil Général de l’Economie. La consommation énergétique du numérique : l’impossible maîtrise de la croissance de la consommation par le seul progrès technologique. Décembre 2017, p. 7 La consommation énergétique du numérique : l’impossible maîtrise de la croissance de la consommation par le seul progrès technologique | France Stratégie (strategie.gouv.fr)
[3] Ibidem
[4] op. cit. Association Nationale Recherche Technologie, p. 11
[5] op. cit. La consommation énergétique du numérique
[6] 4 % des émissions de GES – Green IT
[7] op. cit. La consommation énergétique du numérique
[8] Loi qui entend accélérer le changement des modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat et qui s’inscrit dans la mise en œuvre de la charte de l’envt de 2004
[9] Loi 10 février 2020 lutte contre le gaspillage et économie circulaire | vie-publique.fr
[10] Ibidem
Professionnelle en Droit et gestion des énergies et du développement durable.