Ecowatt : un outil vraiment au service des consom’acteur ?

La crise énergétique, conséquence de la guerre en Ukraine et de la diminution des importations de sources d’énergie fossile russes en Europe, des travaux de maintenance du parc nucléaire français, et de la moindre part d’énergies renouvelables dans le mix énergétique, nous impose de mettre en place des méthodes de consommation raisonnée de l’énergie. C’est ainsi que le réseau de transport d’électricité français (RTE) et l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME), ont développé Ecowatt, une météo de l’énergie permettant d’adapter sa consommation à l’offre d’électricité en temps réel. Ce système concerne aussi bien les particuliers que les industriels et les collectivités. 

La situation énergétique européenne divise. Certains y verront un retour aux années 70, et d’autres, une opportunité pour développer d’autres sources d’énergies non fossiles et plus adaptées à la crise climatique, le changement ayant principalement lieu sous la contrainte. Pour faire face à cette crise il est nécessaire de maîtriser sa consommation d’énergie pour éviter les coupures généralisées d’électricité. Dès lors, il est indispensable d’avoir connaissance de la tension du réseau électrique à chaque instant pour organiser sa consommation. Ecowatt, application de météo de l’électricité, prend alors tout son sens.

Le système est simple : une carte de la France est teintée de vert, d’orange ou de rouge selon le degré de tension du système électrique. En vert, la consommation peut rester normale, autrement dit il n’y a pas à changer les gestes du quotidien. En orange, le système est considéré comme tendu, il faut alors appliquer des écogestes. En rouge, le système est très tendu, si la consommation ne s’adapte pas il y aura des coupures d’électricité.

Cet outil peut-il vraiment être performant ? 

Premièrement, ce système est bénéfique dans le sens où il fait des consommateurs finaux de véritables acteurs de leur consommation. Ils ont accès à des informations en temps réel et peuvent organiser leur consommation, par exemple, en programmant une machine à laver pour fonctionner pendant les heures creuses. Il s’agit de prendre conscience que le réseau est alternatif, instable, et que sa consommation personnelle a des conséquences sur tout le réseau. 

On peut parler de consom’acteurs, c’est-à-dire de consommateurs qui deviennent acteurs de leur consommation d’électricité, ils sont acteurs de la régulation de la tension sur le réseau électrique. 

Cependant, en appliquant la théorie du nudge, que l’on peut

comprendre comme un « coup de pouce » ou la « méthode douce pour inspirer la bonne décision », le système trouve ses limites. Même si le consommateur agira probablement lorsque la carte est orange ou rouge, lorsque la carte est verte rien ne changera. Par exemple, fait partie des écogestes le fait d’éteindre les lumières inutiles. Ainsi, lorsque la carte est verte, cela ne poserait pas de problème. Cela peut sembler contraire au dicton selon lequel « la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas ».

Pour aller plus loin, Barbara Stiegler, philosophe française, critique l’idéologie des biais cognitifs en soulignant que les nudges « participent à une dévalorisation de la capacité de jugement politique ». Autrement dit, il s’agit d’exploiter des biais inconscients pour inciter les individus à adopter un comportement plutôt qu’un autre, plus que de les convaincre de changer leur comportement avec des arguments rationnels. Certains journalistes se sont alors interrogés sur la possibilité d’appliquer un autre triptyque de couleurs, à savoir orange, rouge et écarlate, plus évocateur.

Sources:

A propos de Aude WOJCIECHOWICZ