Lorsque vous donnez vos vêtements dans les conteneurs d’apports volontaires prévus à cet effet, vous vous imaginez avoir fait une bonne action. En effet, le tri est encouragé et les points d’apports volontaires peuvent être une bonne alternative au fait de tout jeter dans la poubelle des ordures ménagères. Néanmoins, cette action n’est en fait pas si positive que cela malheureusement.
Après les centres de tri nationaux, les vêtements qui ont été jugés réinjectables sont compressés dans de grands sacs puis envoyés dans de nouveaux centres de tri, au Benelux, en Tunisie ou UAE, où ils font l’objet d’un second tri. C’est à ce moment-là que nait une réelle catastrophe écologique. En effet, la France n’est pas le seul pays à procéder ainsi avec ses déchets textiles. Ainsi, dans nombre de pays occidentaux, un système de gestion des TLC (textiles, linges de maison et chaussures) est organisé et une collecte est mise en place. Mais tous en arrive au même constat. Celui que le recyclage n’est aujourd’hui pas suffisamment développé pour suivre la cadence de consommation contemporaine.
S’est donc développé un marché de la seconde main des vêtements occidentaux dans divers pays d’Afrique subsaharienne. Une fois passés par le Benelux, la Tunisie ou les UAE, les vêtements sont triés par catégorie de pièces (robe, t-shirt, pantalons, etc…) et sont envoyés dans ces pays qualifiés comme demandeurs. Les tonnes de vêtements arrivent et des commerçants viennent acheter à l’aveugle des sacs compressés de TLC. Ils payent au poids, sans même connaitre le contenu et ne le découvrent qu’après leur acquisition. Souvent, et de plus en plus d’ailleurs, les produits sont invendables car de piètre qualité, n’ayant pas supporté le voyage. Les vendeurs se débarrassent donc d’une grande partie de ce dont ils ont fait l’acquisition en gros. Il n’y a pas non plus de filières de recyclage du textile dans ces pays, et pas plus qu’en France les technologies ne sont abouties. Ces invendables sont donc jetés dans des décharges à ciel ouvert qui viennent polluer les sols et, par l’effet du vent, les eaux et océans.
Il faut s’imaginer que la France garde 5% de la collecte pour sa consommation mais qu’elle en envoie 95% à l’étranger. N’étant pas le seul pays à agir ainsi, ce sont donc pratiquement tous les déchets des pays occidentaux qui sont envoyés dans ces quelques pays. Il est assez logique que la quantité dépasse très largement la demande. Le Ghana reçoit chaque jour 160 tonnes de déchets textiles. Cet exemple n’est pas pris au hasard, il est désormais considéré comme la « poubelle des textiles du monde ». Dans la capitale Accra, le sol est jonché de déchets textiles mais aussi de véritables dunes de vêtements se sont créées avec le temps, environ une vingtaine de mètres longent le lagon de Korle. La particulière pollution dans cette ville est due à un véritable marché noir des vêtements occidentaux qui s’est mis en place : le marché de Kantamanto. Ce marché tue aussi le commerce de vêtement local, créations artisanales faites dans du tissu local de qualité et qui demandent du temps de confection, celles-ci sont donc plus onéreuses et boudées au profit du marché noir à bas coût. Des activistes locaux et internationaux tentent de se battre contre ce fléau et de faire interdire l’importation des déchets textiles des pays occidentaux dans leur pays. Le chemin n’est pas aisé mais un pays l’a déjà fait, le Rwanda a décidé de refuser les vêtements d’occasion en provenance des pays occidentaux en 2016, ils ont mis en place une taxe prohibitive. Cette taxe a, en partie, fonctionné car les importations ont été réduites de moitié. Elles n’ont, en revanche, pas totalement cessées.
Le cri d’alerte est lancé, il est grand temps d’un changement de mode de consommation accompagné d’une modification des comportements des pays occidentaux envers les pays en développement.