“La plus grande difficulté de la transformation numérique, c’est de changer la roue de la voiture sans l’arrêter.”
Éric Blot, Président, Awak’IT (Forum CXP, juin 2016).
Le numérique est devenu indispensable à nos quotidiens, et ce davantage encore avec la crise sanitaire. Néanmoins, le numérique pose de nombreux défis environnementaux et il apparaît aujourd’hui nécessaire de réussir à concilier transition numérique et transition écologique.
Numérique et environnement : quelques chiffres clés
La consommation globale du numérique a augmenté de 50 % entre 2013 et 2017, atteignant entre 10 et 15% de la consommation électrique mondiale. Cela représentait 2,7 % de la consommation mondiale d’énergie finale en 2017 et devrait représenter entre 4,7 et 6% de la consommation globale d’énergie au niveau mondial en 2025.[1]
En 2019, près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales sont dues à la production et à l’utilisation du système numérique (cette part est plus importante que la part due au transport civil aérien)[2]. Ces dernières sont dues, pour 25% aux data centers, pour 28% aux infrastructures réseaux et pour 47% aux équipements des consommateurs (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés, etc)[3]. Avec une croissance d’environ 6% par an, cette part des émissions mondiales de gaz à effet de serre pourrait doubler d’ici 2025 pour atteindre 8 % du total, soit de l’ordre des émissions actuelles des voitures et deux-roues.[4]
Cette croissance continue se reflète à travers les chiffres : en 2017, 93% des français possédaient un téléphone mobile [5], la consommation des données mobiles 4G augmente d’environ 30% chaque année (liée notamment au streaming vidéo qui représente pas moins de 60% du trafic en France).[6]
La nécessité d’aller vers une utilisation plus sobre du numérique
D’après les derniers rapports du think tank The Shift Project, la consommation numérique actuelle est incompatible avec une trajectoire de hausse des températures limitée à 2°C. Aller vers un numérique plus sobre est donc aujourd’hui un enjeu majeur à l’ère de la donnée. Les citoyens prennent peu à peu conscience de la réalité des impacts du numérique et sont prêts à faire des efforts pour limiter leur impact individuel. Ainsi, 80% des Français sont d’accord avec l’idée de diminuer l’impact de leurs équipements sur l’environnement et 69% avec l’idée de réduire l’impact de leurs usages.[7]
Par ailleurs, le 18 juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat a rendu public les résultats de ses travaux. Une des 150 propositions, visant à accélérer la lutte contre le réchauffement climatique, concerne la sobriété numérique et plus spécifiquement l’accompagnement du numérique vers un modèle plus vertueux.
En parallèle, l’Etat se rend compte de l’urgence d’aller vers un numérique plus sobre et durable, notamment pour répondre à ses engagements dans le cadre de l’Accord de Paris. Le rapport d’information du Sénat n°55 (2019-2020) “pour une transition numérique écologique”[8] fait le constat actuel qu’il n’existe pas de stratégie transversale publique qui vise à atténuer les impacts environnementaux du numérique, un secteur économique pourtant majeur. En réponse à cette étude, la loi n° 2021-1485 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France a été promulguée le 15 novembre 2021 (publiée au JO du 16 novembre 2021), afin de responsabiliser notamment les acteurs publics du numérique en prévoyant que les grandes collectivités élaborent chaque année une stratégie “numérique responsable”.
La place des politiques publiques locales dans la transformation numérique : la démarche sobriété numérique
Les collectivités locales ont un rôle de premier plan et doivent être en mesure de déployer une stratégie numérique durable qui peut se traduire par une multitude d’actions au sein de la collectivité et sur le territoire auprès des différents acteurs de ce dernier (citoyens, entreprises, etc).
De plus, elles doivent être en mesure d’adapter les politiques publiques territoriales pour faire du numérique une véritable force pour la transition écologique via les gains environnementaux indirectement permis par ce dernier. Le Livre Blanc numérique et environnement[9], propose aux acteurs publics 26 actions pour mettre la transition numérique au service de la transition écologique en utilisant le numérique pour mieux concevoir les politiques écologistes, en soutenant l’innovation numérique en faveur de l’écologie, en mobilisant les données au service de la transition écologique.
Finalement, il est aujourd’hui essentiel de former les acteurs de l’écologie au numérique et de former les acteurs du numérique à l’écologie.
Anna FIEGEL
[1]Rapport The Shift Project (octobre 2020) Déployer la sobriété numérique, en ligne : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/10/Deployer-la-sobriete-numerique_Rapport-complet_ShiftProject.pdf
[3]Rapport de l’ADEME (janvier 2021) : la face cachée du numérique, en ligne : https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-face-cachee-numerique.pdf
[4]Rapport The Shift Project (janvier 2020) Déployer la sobriété numérique, en ligne : https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2020/01/2020-01.pdf)
[5]Rapport INSEE, (novembre 2019) L’économie et la société à l’ère du numérique
[6]Rapport d’information du Sénat n°55 (2019-2020) en ligne : http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-5551.pdf.)
[7]Labo Société numérique : baromètre du numérique 2019, en ligne : https://labo.societenumerique.gouv.fr/2019/11/28/barometre-du-numerique-2019-principaux-resultats/
[8]Rapport du Sénat n°55 2019-2020 “pour une transition numérique écologique” de Guillaume CHEVROLLIER et Jean-Michel HOULLEGATTE, réalisé, au nom de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 24 juin 2020
[9]Iddri, FING, WWF France, GreenIT.fr (2018). Livre blanc Numérique et Environnement.