Bien que les politiques publiques d’électrification massive du parc français ont été déployé par la mise en oeuvre d’un plan d’accélération des EPR, la fixation des prix du marché de gros de l’électricité repose encore, en fonction de la demande, sur ceux du gaz dont la volatilité est bien plus élevée que de celle des énergies renouvelables.
Les récentes hausses des prix de l’électricité questionnent sur un potentiel découplage des prix de l’électricité de ceux du gaz. Pour ce faire, il convient de comprendre le système actuel de fixation des prix de l’électricité.
Les différentes crises ayant impacté l’Union européenne telles que, la reprise abrupte de la consommation post covid et la guerre en Ukraine et son semi embargo corrélé à l’arrêt des livraisons de gaz russe, ont fortement mis en exergue la volatilité des prix de l’électricité.
Les questions des prix et de la sécurité d’approvisionnement, in fine, la question d’un potentiel découplage des prix de l’électricité vis-à-vis de ceux du gaz, ont aussi été remis sur la table par les crises spécifiques qui ont touché le parc nucléaire français, notamment : les sécheresses exceptionnelles impactant l’énergie hydroélectrique, les problèmes de corrosion des centrales électronucléaires entraînant l’arrêt de la moitié du parc français ont remis sur table la question de la sécurité d’approvisionnement et des prix de l’électricité. In fine, la question d’un potentiel découplage des prix de l’électricité vis-à-vis de ceux du gaz.
Pour comprendre ce questionnement, il faut revenir aux bases élémentaires du marché de gros de l’électricité.
- Le marché spot : c’est la Bourse européenne de l’électricité où est fixé le prix de l’électricité est négociée avant d’être livrée aux clients finals (qui consiste en 1/10 du TURPE). Il s’agit de l’EPEX Spot, le marché de gros. il est day-ahead (du jour au lendemain) et intraday (infrajournalier, en temps réel)
- Le prix de détail : c’est celui payé par le consommateur (exemple le TURPE qui relève 10% du prix fixé sur le marché spot et du Tarif réglementé de vente pour les ménages et PME).
Ce marché de gros de l’électricité repose sur le mécanisme du « merit order » ( enchère aux meilleurs coûts). Les prix de l’électricité sont fixés selon un mécanisme particulier pour que la fréquence soit continuellement de 50hertz sur le réseau. En effet, il faut que l’offre de marché corresponde toujours à la demande étant donné que l’électricité est difficilement stockable. L’offre et la demande doivent donc s’équilibrer en permanence sur le réseau pour répondre aux besoins des consommateurs et industriels. Cet équilibrage permanent a pour conséquence que le prix est indexé en temps réel sur le marché de gros.
En l’absence d’un tel équilibre, on court un risque de black-out (congestion électrique en cas de surtension, il en va de même en sous-tension).
Le « merit order » repose sur le concept suivant : les unités de production sont appelées à produire par ordre de coûts marginaux croissants. Ce qui signifie que l’on sollicite en premier lieu de l’électricité par les centrales qui produisent l’énergie la moins chère. Tout d’abord, les éoliennes et les centrales photovoltaïques sont appelées, car elles bénéficient de coûts marginaux faibles voir nuls avec des unités de production peu coûteuses. Puis l’énergie hydroélectrique et ainsi de suite avec le nucléaire, le gaz, le charbon, le lignite, le gaz et en dernier lieu le fioul. Ces six dernières unités sont classées selon le coût du combustible étant donné que les leur coûts marginaux sont proches.
L’ordre d’appel de ces unités varie en grande partie selon le coût du CO2, de facto des émissions de CO2 de chaque unité de production. Cela implique que les prix de l’électricité sont formés par l’influence du prix du CO2. Les sources d’énergie moins polluantes ont dès lors un avantage certain sur le marché de l’électricité.
Ce mécanisme permet d’estimer le prix en fonction de la demande en électricité ; en ce sens que lorsque la demande est faible, seules sont sollicités les sources de production à coûts marginaux faibles. Et inversement en cas de forte demande, sont appelés les utiles aux coûts marginaux plus élevés ce qui renchérit le prix sur le marché. Et c’est bien là que se niche tout l’enjeu. Les crises ayant affecté la gestion de l’électricité ont fortement contribué au pic de consommation qui nécessite énormément d’électricité pour y répondre et fait donc souvent appel aux centrales à gaz.
Ces évènements contextuels précédemment cités ont eu une influence cruciale sur les prix de l’énergie et plus particulièrement sur le prix du MWh de gaz étant une matière primevère très volatile. En y faisant régulièrement appel, cela a mis en exergue des problématiques structurelles telles qu’une extrême volatilité des prix, ce qui questionne la protection des consommateurs dans l’accès à une énergie bon marché que veut le principe de sécurité des approvisionnements.
Mais le principe du merit ordre questionne également sur d’autres thématiques. En effet, les producteurs d’énergies nucléaires et renouvelables, ayant des coûts de production quasi gratuits, s’alignent sur le prix très élevé (étant indexés sur les prix de l’électricité de la dernière centrale appelée, bien souvent thermique) et réalisent ainsi des bénéfices extraordinaires.
Un tel marché infrajournalier appui un réel manque de visibilité sur les prix à long terme et in fine sur protection des consommateurs dans l’accès à l’énergie.
Mais l’enjeu serait également d’améliorer la visibilité à long terme et non plus uniquement sur du temps réel. Cela permettrait d’augmenter la production d’énergies décarbonées avec la mise en œuvre de sources renouvelables et ainsi de réduire la dépendance au gaz, in fine la corrélation entre les prix de l’électricité et ceux du gaz.
Cette vision à long terme axée sur un parc national français renouvelable s’articulent également avec des politiques de sobriété énergétique afin de réduire la demande et les pics de consommation. Ce qui permet de répondre aux enjeux de transition énergétique et de sécurité des approvisionnements.
sources :
https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/07/crise-energetique-refonder-le-marche-europeen-de-l-electricite_6140542_3232.html
https://omnegy.com/la-mecanique-du-merit-order/
https://ekwateur.fr/blog/marche-de-l-energie/prix-gaz-electricite-lies/
https://www.enoptea.fr/articles/le-merit-order-quest-ce-que-cest/
https://www.cre.fr/electricite/marche-de-gros-de-lelectricite/presentation.htmlhttps://www.lemonde.fr/idees/article/2021/10/15/il-faut-s-interroger-sur-les-defaillances-de-la-liberalisation-dans-la-determination-des-prix-de-l-electricite_6098516_3232.html