Projet CIGEO le futur des déchets nucléaires
Le projet Cigéo, Centre industriel de stockage géologique, représente une étape cruciale dans la gestion à long terme des déchets nucléaires en France. Envisagé comme une réponse technologique et géologique aux défis posés par les déchets radioactifs, Cigéo suscite des débats passionnés et des interrogations quant à son impact sur l’environnement, la sécurité, et l’acceptabilité sociale.
Origine du projet Cigéo
L’énergie nucléaire produit différents types de déchets radioactifs qui sont classés comme étant de très faible, faible, moyenne activité et haute activité. A cela s’ajoute la durée de radioactivité des déchets qui peut être très courte, courte ou à vie longue[1]. Certains d’entre eux peuvent être recyclés et réutilisés mais d’autres ne peuvent pas et pourtant doivent être stockés.
C’est pourquoi les différents acteurs de l’industrie nucléaire envisagent un site de stockage pouvant accueillir les déchets nucléaires dits à vie longue, qui peuvent durer jusqu’à un million d’années et qui ne peuvent être déposés n’importe où en raison du risque qu’ils représentent.
Qu’est-ce que le projet Cigéo ?
C’est pour cette raison que le projet Cigéo a été créé comme un projet français de centre de stockage de déchets radioactifs en couche géologique profonde[2], c’est-á-dire sous terre, « conçu pour stocker les déchets hautement radioactifs et à durée de vie longue produits par l’ensemble des installations nucléaires actuelles »[3].
Cigéo prendra place dans les départements de la Meuse et de la Haute-Marne[4], se composant d’une zone souterraine destinée au stockage des déchets, ainsi que d’installations de surface. Le stockage des déchets s’étendra sur plus de 100 ans et sera développé progressivement en fonction des besoins, puis scellé pour garantir l’isolement des déchets sur des périodes extrêmement longues, sans nécessiter d’interventions humaines.
L’état d’avancement du projet ?
Ce projet était envisagé depuis la loi bataille en 1991, qui instaure un programme de recherche de 15 ans pour réfléchir à une solution de gestion des déchets radioactifs les plus dangereux[6]. Après d’un premier débat public le Parlement par la loi du 28 juin 2006 a retenu la solution du stockage géologique profond.
Sur la base des études, en 2016 l’Andra a présenté les esquisses du futur centre de stockage et le projet a été sujet d’un deuxième débat public. La loi du 25 juillet 2016 a défini les modalités de création de Cigéo et en juillet 2022, le projet Cigéo est déclaré d’utilité publique par décret en Conseil d’État et une opération d’intérêt national est créée sur son territoire d’accueil.
En 2022 une demande d’autorisation de création a été déposé auprès le Conseil d’État où l’instruction de cette demande devrait prendre au moins 3 ans. Si le projet est autorisé, une première phase de construction sera prévue en 2025 étant en 2035 le début de l’exploitation.
Est-ce la solution au problème des déchets nucléaires ?
En septembre 2022 pour contester la déclaration d’utilité publique, un recours a été déposé par les opposants au projet Cigéo, selon eux, le projet ne serait pas conforme à la Charte de l’environnement, notamment au principe de réversibilité, prévu à l’article L542-10-1 du code de l’environnement, tel et comme est affirmé par Stéphane-Laurent Texier, avocat des opposants à Cigéo :
« Le principe de réversibilité n’apporte pas de garantie suffisante pour assurer la protection les générations futures. La réversibilité n’est prévue que pour une centaine d’années alors que la dispersion des radionucléides persiste pendant une centaine de milliers d’années. Pire encore, une fois que le site sera définitivement fermé, plus aucune récupération ne sera permise, plus aucune réversibilité ne sera possible pour les générations futures »[7]
Nonobstant, par décision du 27 octobre 2023 le Conseil Constitutionnel a jugé conforme à la Constitution la loi du 25 juillet 2016 sur les modalités de création du centre de stockage, mais reconnait aux générations futures le droit de se protéger. Ce qui met sur la table deux grandes conclusions :
En premier lieu, la décision estime que le principe obligatoire de réversibilité est respecté parce que « l’autorisation de mise en service est prévue pour une phase pilote, “qui doit permettre de conforter le caractère réversible et la démonstration de sûreté de l’installation, notamment par un programme d’essais in situ” ; et “tous les colis de déchets doivent rester aisément récupérables durant cette phase, qui comprend des essais de récupération” »[8].
En deuxième lieu, pour la première fois le Conseil Constitutionnel reconnait la protection des générations à venir (celles qui ne sont pas encore nées), ce qui implique que le législateur doit veiller à la respecter lorsqu’il adopte des “mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable” à l’environnement [9].
Un projet au feu vert
Comme nous l’avons vu plus haut, le projet a jusqu’à présent été validé non seulement par les différentes étapes du processus administratif, mais aussi par les autorités judiciaires, ce qui démontre le soutien de plusieurs autorités. Cependant, il faut garder à l’esprit que ce type de projet est l’un des premiers au monde et qu’il n’existe pas de modèles déjà opérationnels[10] pour démontrer les résultats positifs ou négatifs de sa mise en œuvre. En d’autres termes, si le projet est valable dans le présent, seul l’avenir montrera s’il est réellement réversible et si les générations futures sont effectivement protégées par sa mise en œuvre.
[1] https://www.andra.fr/les-dechets-radioactifs/tout-comprendre-sur-la-radioactivite/classification
[2] https://www.asn.fr/espace-professionnels/installations-nucleaires/projet-de-centre-de-stockage-cigeo
[3] https://www.andra.fr/cigeo
[4] https://www.andra.fr/cigeo/les-installations-et-le-fonctionnement-du-centre/les-installations-et-leur-localisation
[5] https://www.cigeo.gouv.fr/comment-fonctionnera-cigeo-141
[6] https://www.cigeo.gouv.fr/cigeo-les-grandes-etapes-139
[7] https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meuse/bar-le-duc/nucleaire-le-droit-des-generations-futures-a-vivre-dans-un-environnement-sain-examine-par-le-conseil-constitutionnel-2857631.html
[8] https://www.vie-publique.fr/en-bref/291601-dechets-nucleaires-le-droit-des-generations-futures-reconnu
[9] ibidem
[10] https://www.andra.fr/existe-t-il-des-stockages-profonds-deja-en-fonctionnement-dans-le-monde-pour-les-dechets-les-plus