La géothermie profonde, bien qu’elle soit une source d’énergie renouvelable prometteuse, reste aujourd’hui sous-exploitée comparée à d’autres méthodes de production d’énergie. Pourtant, le potentiel géothermique de la Terre est immense, même en dehors de ces zones privilégiées. Selon certaines estimations, 0,1 % de la chaleur produite par la Terre pourrait suffire à couvrir les besoins énergétiques de l’humanité pendant deux millions d’années[1]. Alors pourquoi en est-il ainsi ?
Les limites technologiques actuelles
Le principal frein réside dans les coûts élevés de son installation par rapport au rendement énergétique des centrales géothermiques. Actuellement, ces centrales ne sont viables que dans des zones où l’énergie géothermique est facilement accessible, généralement à proximité de volcans où les réservoirs d’eau souterrains chauffés par le magma sont proches de la surface. Dans ces régions, les coûts de forage sont réduits, ce qui rend l’exploitation de cette énergie plus rentable.
Or ces régions sont rares. Pour le reste, exploiter une quantité rentable d’énergie géothermique nécessite de creuser plus profond, car plus on s’enfonce sous terre, plus le gradient géothermique augmente et plus cette énergie est abondante. Le développement de la géothermie dépend donc fortement des innovations technologiques dans le domaine du forage. L’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) a d’ailleurs identifié les limitations des techniques de forage actuelles comme le principal obstacle à une exploitation géothermique à grande échelle.[2] Les coûts de forage augmentent de manière exponentielle en fonction de la profondeur du puits creusé, et représentent environ 50 voire 75% des coûts totaux de l’installation[3]. De nombreux chercheurs et ingénieurs sont donc à la recherche de nouvelles méthodes pour accéder à ces ressources géothermiques profondes, plus efficacement et à moindre coût.
Des innovations ambitieuses sur le point de développer le secteur ?
C’est dans ce contexte que Quaise, une startup fondée en 2018 par des ingénieurs du MIT, se distingue. Elle développe une technologie de forage révolutionnaire basée sur les recherches de Paul Woskow, un spécialiste de la fusion nucléaire. Leur innovation repose sur l’utilisation du gyrotron, un dispositif capable de générer des ondes électromagnétiques à très haute fréquence[4], initialement développé en URSS pour chauffer des plasmas à plus de 100 millions de degrés Celsius[5]. Quaise propose d’adapter cette technologie pour vaporiser les roches du sous-sol, rendant ainsi le forage géothermique plus efficace et moins coûteux.
Le concept est simple mais ingénieux : les premiers kilomètres de forage seraient réalisés avec des outils conventionnels, puis, une fois la couche sédimentaire dépassée et les roches devenues trop dures, le gyrotron prendrait le relais. Grâce à ses ondes hyperfréquences, il vaporiserait les roches, permettant de creuser à des profondeurs inédites. Quaise ambitionne de forer des puits de 20 kilomètres, où la température des roches dépasserait 500°C. À titre de comparaison, le forage le plus profond jamais réalisé, le puits SG-3 de Kola en Russie, atteint “seulement” 12 kilomètres.
L’un des atouts majeurs de cette technologie est son coût : selon Paul Woskow, un forage de 10 kilomètres par ondes millimétriques coûterait environ 500 000 dollars, contre 30 millions de dollars pour un forage conventionnel de la même profondeur. Ce différentiel s’explique en grande partie par l’absence d’usure des outils de forage dans la technologie de Quaise. Là où les forets traditionnels doivent être remontés fréquemment pour être remplacés, le gyrotron reste en surface, dirigeant ses ondes vers le fond du puits via un simple tube.
De plus, cette technologie pourrait réduire les risques de tremblements de terre liés à l’exploitation géothermique. En permettant l’accès à des ressources plus profondes, elle offrirait la possibilité d’installer des centrales géothermiques dans des zones à faible activité sismique, loin des zones volcaniques habituellement exploitées.
Quaise n’est cependant pas la seule à innover dans ce domaine. La société slovaque GA Drilling développe également de nouvelles technologies de forage, comme le système “Anchorbit”, qui stabilise le foret à l’aide de pistons, et “Plasmabit”, un foret sans contact qui vaporise les roches à 6 000°C grâce à des pulvérisations de plasma. Ensemble, ces technologies pourraient permettre de creuser à des profondeurs de 10 kilomètres ou plus.[6]
En conclusion, si ces technologies tiennent leurs promesses, elles pourraient ouvrir la voie à un accès élargi aux systèmes géothermiques, indépendamment de la localisation géographique. Quaise prévoit même de rendre opérationnelle sa première centrale d’ici 2026, marquant ainsi une nouvelle ère pour l’énergie géothermique.[7]
[1] https://altarockenergy.com/why-super-hot-geothermal/
[2] https://www.irena.org/News/pressreleases/2017/Sep/Governments-Adopt-Florence-Declaration-and-Agree-to-Work-Closer-to-Advance-Geothermal-Energy
[3] https://www.nrel.gov/docs/fy23osti/82771.pdf
[4] https://www.youtube.com/watch?v=g8sjdOjNxIE&t=533s&pp=ygUUdW5kZWNpZGVkIGdlb3RoZXJtYWw%3D
[5] https://en.wikipedia.org/wiki/Gyrotron
[6] https://medium.com/predict/revolutionary-plasma-drill-promises-to-unlock-the-ultimate-clean-energy-2e3ef1cb676e
[7] https://newatlas.com/energy/quaise-deep-geothermal-millimeter-wave-drill/