You are currently viewing Faut-il modifier la Charte de l’environnement ?
Source : agrhabitat.fr

La constitutionnalisation a permis de donner aux normes en matière d’environnement une forte valeur juridique. Cependant, la Charte de l’environnement de 2004 possède de nombreuses limites constituant un frein à une protection effective de l’environnement. On peut citer des limites de deux natures différentes : celles concernant les insuffisances d’ordre matériel du texte constitutionnel et celles concernant l’application du texte constitutionnel. Ces limites rappellent la nécessité de modifier la Charte. 

La faiblesse des formulations

Pour commencer il est possible de constater des insuffisances relatives aux formulations contenues dans la Charte de l’environnement. Tout d’abord, il convient de remarquer qu’il existe dans la Charte de l’environnement des formulations fragiles.

Elles offrent peu, voire pas du tout, de garanties car elles sont vagues. Par exemple, la Charte pousse toute personne « à prendre part », « veiller », « promouvoir » à la préservation de l’environnement. Ces formulations ont une faible portée juridique et sont peu contraignantes.

De plus, il est prévu une compétence exclusive dans certains articles lorsqu’il est mentionné « dans les conditions définies par la loi ». Cette compétence exclusive est critiquable car elle laisse une grande marge de manœuvre aux parlementaires.

Il serait donc intéressant de modifier la formulation de ces termes pour les rendre plus contraignants pour les pouvoirs publics. 

Les absents de la Charte

Tout d’abord, aucune disposition constitutionnelle n’établit le principe « pollueur-payeur »

Ce principe a l’avantage d’être défini dans l’article L. 110-1 du code de l’environnement. Toutefois, il présente une limite importante. En effet, ce principe peut être perçu comme étant un droit à polluer. Si les entrepreneurs peuvent payer pour réparer leurs dégâts ils peuvent alors polluer. Il est fréquent que ces personnes préfèrent payer que de faire des efforts pour préserver l’environnement. C’est donc en partie pour cela que ce principe n’est pas garanti constitutionnellement.

On constate également l’absence d’un principe de non-régression, ce principe signifie que les normes relatives à la protection de l’environnement doivent faire l’objet d’une progression constante, sans retour en arrière possible. Il a été intégré dans des textes constitutionnels de différents pays, par exemple, dans la Constitution équatorienne de 2008.

Ce principe, bien qu’il entre en contradiction avec la culture juridique et politique française, est un des principes les plus intéressants pour permettre une protection efficace de l’environnement.

De plus, aucun texte constitutionnel ne reconnaît de droits au bénéfice de la Nature.

Dans une certaine mesure, cela permettrait de dépasser la vision anthropocentrique de l’environnement. Cette vision seulement concentrée sur l’Homme est un frein pour préserver l’environnement. Il est souvent oublié que la Nature en elle-même doit être protégée et ne doit pas être protégée seulement parce qu’elle est nécessaire à l’Homme. 

Garantir constitutionnellement des droits à la Nature aura, également, une valeur symbolique forte. Effectivement, les pouvoirs publics, ainsi que les citoyens, se rendront compte de l’importance de la Nature en elle-même et pas seulement comme une nature nécessaire uniquement aux droits et intérêts de l’Homme.

L’insuffisance des droits reconnus dans la Charte : 

Une autre insuffisance d’ordre matériel concerne les droits reconnus dans la Charte. En effet, elle reconnaît uniquement un droit fondamental, celui de vivre dans un environnement sain et équilibré à l’article 1er. 

Ensuite, elle requiert l’intervention du législateur pour certaines dispositions (par exemple, l’article 7 relatif au principe de participation et d’information).

Or, lorsque ce même législateur est réticent à mettre en place les procédures nécessaires, cela peut être problématique (cf. QPC, 23 novembre 2012, Association FNE).

Enfin, la Charte contient des dispositions qui ne sont pas invocables par voie de QPC : les 7 alinéas de son préambule et l’article 6 relatif au développement durable.

La portée réduite du principe de précaution :

Ce principe est extrêmement important en droit de l’environnement car il permet de se donner les moyens d’anticiper l’apparition d’éventuels dommages avant même d’être certain qu’ils puissent se produire. 

La première limite remarquable est le fait que ce principe ne s’applique qu’aux autorités publiques. Une protection plus efficace de l’environnement serait constatée si ce principe s’appliquait pour les entreprises par exemple. 

Il paraît donc primordial au vu des circonstances futures et même actuelles de réduire les limites du principe de précaution présentes dans la Charte.

La faiblesse des droits procéduraux

Il existe plusieurs garanties procédurales présentes dans la Charte. Les principes d’information et de participation, mentionnés dans l’article 7 de la Charte de l’environnement, sont deux des plus grands principes favorables au droit de l’environnement.

Le principe d’information revêt une dimension fondamentale, il instaure l’idée d’une responsabilité collective dans la protection de l’environnement et favorise la prévention des risques.

Ce droit à information permet donc à chacun d’avoir une opinion éclairée sur la gestion des questions relatives à l’environnement par les pouvoirs publics. Le principe de participation, quant à lui, va plus loin que le principe d’information en permettant aux citoyens de participer à la prise de décision politique sur les projets touchant au droit de l’environnement.

En effet, bien qu’un rang constitutionnel soit donné à ce principe, sa mise en œuvre est subordonnée à une adoption d’une mesure législative.

La définition de la notion de « décision publique ayant une incidence sur l’environnement » mentionnée dans l’article 7 est retenue de manière restrictive par le Conseil constitutionnel, ce qui oblige les citoyens à agir seulement si les pouvoirs publics ont décidé d’agir en faveur de l’environnement. Par conséquent, cet article n’est pas directement applicable, ce qui est regrettable.

Une évolution de l’appréciation de cette notion par le Conseil constitutionnel serait bienvenue, ainsi qu’un abandon de l’exigence de l’existence d’une législation pour invoquer ces principes, pour permettre un meilleur investissement des citoyens dans les décisions prises par  les pouvoirs publics. 

Il paraît donc fondamental de modifier la Charte de l’environnement. 

A propos de Romane Girard