L’abandon de l’utilisation de plusieurs pesticides dans les Etats membres de l’Union européenne considérés comme dangereux pour la santé et pour l’environnement constitue un progrès notable dans la préservation des écosystèmes. Mais que font ces Etats de ces pesticides pourtant interdits et quels sont les dangers pour la santé et l’environnement de ces produits ?
L’Union européenne exporte des pesticides interdits sur son sol
De nombreux pesticides ont plus ou moins récemment été interdits au sein de l’Union européenne. On peut retrouver notamment le Paraquat, qui est un herbicide interdit depuis 2007 puisqu’il serait responsable du développement de la maladie de Parkinson, également l’atrazine qui est interdit dans l’Union depuis 2003 pour ses effets de perturbation endocrinienne sur les espèces humaines et animales, ainsi que plusieurs néonicotinoïdes, insecticides responsables entre autres de l’effondrement du nombre d’insectes et tout particulièrement des abeilles.
Néanmoins, la situation est paradoxale puisque certains Etats membres continuent d’en fabriquer et d’en exporter dans des pays tiers. Une enquête de l’ONG suisse Public Eye et d’Unearthed, la cellule investigation de la branche britannique de Greenpeace, démontre qu’en 2018, les Etats membres auraient approuvé l’exportation de 81 615 tonnes de pesticides contenant des substances interdites dans l’Union européenne.
Cette autorisation d’exportation provient notamment de la Convention de Rotterdam initiée par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) en 1998, et approuvée par l’Union européenne. Cette convention est entrée en vigueur en 2004. Elle justifie la vente de ces produits dangereux par une procédure de consentement préalable en connaissance de cause par les Etats importateurs, et sur un échange d’informations sur les risques liés aux produits.
La France se place dans les bons élèves de ce côté puisque la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi Egalim, « interdit la production, la circulation et l’exportation depuis le territoire national de produits phytopharmaceutiques contenant des substances interdites dans l’Union européenne compte tenu de leur dangerosité pour la santé et l’environnement », et cela à partir du 1er janvier 2022.
Cependant, le décret d’application du 23 mars 2022 précise que des délais de grâce peuvent être octroyés pour « éliminer » des stocks existants de ces produits. De plus, une récente enquête du 30 novembre dernier publiée par Public eye, révèle que la France « a approuvé l’exportation de 7475 tonnes de pesticides interdits » depuis le début de l’année 2022. C’est par un détournement de cette loi Egalim que les industriels continuent d’exporter ces substances pourtant interdites. En effet, la loi prévoit l’interdiction d’exporter des produits contenant des substances interdites dans l’Union, mais ne s’applique pas directement aux substances interdites. Dès lors, les fabricants peuvent continuer à exporter ces produits sous forme pure.
Ces exportations relèvent donc d’une certaine forme d’hypocrisie puisque les entreprises européennes peuvent légalement continuer de produire et exporter des pesticides pourtant interdits sur leur territoire, sans assumer directement les conséquences désastreuses de ceux-ci sur l’environnement et la santé.
L’impact négatif des pesticides sur la santé
Ces pesticides représentent un réel danger pour les agriculteurs. En effet, les principaux pays importateurs sont le Brésil, la Thaïlande, l’Inde, ou encore l’Afrique du Sud, qui sont pour la plupart des pays émergents ou peu industrialisés. Or les conditions d’utilisation de ces pesticides sont déplorables. En effet, ces agriculteurs manquent de protections et matériels adaptés ainsi que d’informations sur les dangers potentiels. De même, les autorités de contrôle dans ces pays sont majoritairement inefficaces. Ce sont alors les agriculteurs qui en pâtissent.
Les chiffres d’empoisonnement à cause de l’utilisation de pesticides sont difficiles à évaluer mais ils sont en hausse. Chaque année, ce sont 385 millions de cas d’empoisonnement dans le monde, selon une étude publiée le 7 décembre 2020 par plusieurs chercheurs avec les données de l’OMS.
Les différents symptômes peuvent aller de maux de tête, d’irritations cutanées, des nausées jusqu’à des maladies chroniques causant des problèmes cardiaques et des difficultés respiratoires. Les liens entre l’exposition aux pesticides et les différents problèmes de santé comme les cancers ou les effets sur les systèmes neurologiques, immunologiques et reproductifs ne sont plus à démontrer.
Et selon un rapport du PNUE (Programme des Nations unies pour l’environnement) de 2021, chaque année ce sont environ 11 000 décès liés à ces expositions aux pesticides, mais les cas sont probablement plus élevés du fait de cas non signalés.
Egalement, ces produits toxiques pour la santé humaine se retrouvent dans nos assiettes en Europe par les importations d’aliments hors Union européenne, c’est ce que de nombreuses associations dénoncent par « l’effet boomerang ».
Mais bien plus encore, ces pesticides considérés comme dangereux dans l’Union sont un problème pour l’environnement en général. En effet, l’utilisation massive de ces pesticides dégrade la biodiversité, notamment par une contamination des sols, des eaux mais aussi par une diminution du nombre d’espèces. Tous ces effets néfastes impactent bien évidemment la santé humaine.
Sources :
https://www.publiceye.ch/fr/coin-medias/communiques-de-presse/detail/pesticides-interdits-plus-de-80000-tonnes-exportees-depuis-lue
Report_Banned pesticides in EU food_Final.pdf (pan-europe.info)
https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12889-020-09939-0
https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/34463/JSUNEPPF_Fr.pdf
https://www.publiceye.ch/fr/thematiques/pesticides/des-pesticides-interdits-dans-nos-assiettes