Au sud du Mexique, des entreprises internationales, dont EDF, ont investi l’isthme de Tehuantepec pour produire avec des éoliennes de l’énergie dite « propre ».

Le sud de l’isthme, grand comme le département du Rhône, est une région où le vent atteint la classe 7 (contre 4 en moyenne en France). Depuis 1994 ce territoire est au coeur d’enjeux financiers colossaux car les plus grosses compagnies d’électricité européennes (dont EDF Renouvelables) veulent s’y implanter en profitant d’une législation moins contraignante que dans leur pays.

Mais cette industrie du vent, en progression incessante (plus de 1500 éoliennes en 2021), a engendré des dégâts majeurs sur le territoire (100 tonnes de ciment sont injectées dans les fondations d’une seule éolienne) et ses habitants (principalement des Zapotèques) confrontés à la destruction de leurs liens sociaux (avantages financiers accordés à certains sans règle d’équité) et de leurs traditions. Face à la perception croissante des nuisances des parcs d’éoliennes, les paysans et les petits propriétaires regrettent les contrats signés (le plus souvent pour 30 ans) avec les multinationales, leurs filiales et entreprises sous-traitantes.

Mais certains militants « anti éoliennes » et leurs avocats mexicains gardent une lueur d’espoir en s’appuyant sur la loi sur le devoir de vigilance, une loi unique au monde.

À la suite de l’effondrement Pana Plaza, au Bangladesh, en 2013, causant la mort d’un millier d’ouvriers du textile, un texte obligeant les grandes entreprises françaises, leurs filiales et leurs sous-traitants à respecter les droits humains et environnementaux à l’étranger a été voté en 2017.

Pour rappel en 2011 les Nations-Unies ont adopté « les principes Ruggie » construits autour de trois piliers :

-protéger les droits humains, ce qui est l’affaire des Etats

-les respecter, ce qui est l’affaire des entreprises

-réparer, ce qui l’affaire des deux en ouvrant des voies de recours aux victimes

Entre 2013 et 2017 un laborieux parcours législatif du à de multiples résistances (notamment du secteur économique qui redoutait d’être pénalisé) a accouché d’une loi adoptée le 27 mars 2017. Après l’abandon de la sanction pénale et du renversement de la charge de la preuve cette loi est axée sur la prévention et ne vise que les grosses entreprises (5000 salariés en France ou 10000 dans le monde) qui doivent désormais (ainsi que leurs sous-traitants et fournisseurs) mettre en œuvre un « plan de vigilance » pour « identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales ».

Bien que critiquée par les ONG sur son caractère flou, la loi française est la première du monde avec un périmètre aussi large. En cas de non-respect sont prévues une mise en demeure adressée à l’entreprise avec une demande d’action, puis une assignation en justice avec injonction sous astreinte, et en cas de dommages l’entrée dans la responsabilité civile de droit commun.

La principale faiblesse de cette loi est qu’elle ne dit pas quel est le juge compétent et que pour l’instant aucun jugement sur le fond n’a été rendu (7 affaires en cours en 2021). Des stratégies de contournement peuvent être élaborées (risque de la logique de compliance) mais on peut espérer que cette évaluation balbutiante créera un cercle vertueux que le puissant lobbying des entreprises n’arrivera pas à détricoter.

Depuis la loi française, d’autres pays européens ont lancé des processus législatifs et une directive européenne est en préparation avec des définitions plus précises appliquées à une palette plus large d’entreprises et qui serait contraignante , permettant aussi d’harmoniser le droit et les pratiques des Etats membres.

Espérons que les démarches des indiens zapotèques et de leurs avocats contre les « voleurs de vent » seront fructueuses et permettront d’aiguiser les outils juridiques pour éviter que les droits humains soient bafoués …

A propos de Victor AUPETIT