« Le monde est fou. Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant.[1] » Carlos Tavares, ancien PDG de PSA (Peugeot Société Anonyme).

Derrière cette phrase « choque », la question de la légitimité du véhicule électrique est une réalité. L’industrie des transports est pourtant irrémédiablement en train de s’électrifier. Le processus est engagé et s’accélère rapidement, à tel point, que la question de savoir si la voiture électrique est la réponse adéquate à la décarbonation de nos sociétés, ne se pose plus.

Pourtant, de nombreux doutes subsistent notamment concernant la batterie des véhicules électriques. Les métaux rares qui la composent (lithium, nickel, manganèse, cobalt) posent de nombreux problèmes. Leurs extractions sont parfois des catastrophes écologiques, économiques et sociales.

En Bolivie, pour acheminer correctement toute l’eau nécessaire à la production de sel de lithium, on a recours à des pompes qui vont prendre l’eau dans l’océan Pacifique pour l’acheminer jusque dans les terres aux lacs de sel. Ce processus nécessite également une désalinisation préalable de l’eau le rendant très énergivore et coûteux.

Le cobalt, quant à lui, est encore plus critiqué puisqu’il est très difficile d’avoir un véritable contrôle sur ses conditions d’extraction. Or, on sait qu’une quantité non-négligeable de cobalt est extraite par des enfants de façon clandestine en République démocratique du Congo.

Enfin, le recyclage des batteries lithium-ion n’est pas du tout optimal. Actuellement, nous ne sommes pas capables de recycler de manière globale et durable toutes les batteries qui arriveront en fin de vie d’ici une vingtaine d’année. Cependant, la technologie dite d’hydrométallurgie, qui consiste à isoler par des bains d’acides les métaux rares afin de les réutiliser, est en nette progrès et permettrait à terme de recycler jusqu’à 95 % de la batterie.

Il existe également un paradoxe dans l’utilisation de la voiture électrique. En effet, bien que la production d’une petite citadine soit bien plus écologique qu’une Tesla par exemple, la durabilité et l’efficacité de la voiture en elle-même est à relativiser. Comme le montre le tableau suivant, une voiture « d’entrée de gamme », avec une batterie peu puissante, aura tendance à être bien moins efficace dans le temps. De ce fait, une voiture dont la production possède une faible empreinte carbone comme une Zoé n’est pas plus écologique qu’une Tesla dans les faits.

On parcourra bien moins de kilomètres avec une citadine pourtant, sa batterie s’usera plus rapidement et devra être recyclée beaucoup plus tôt. Cette courte durée de vie entraîne des coûts environnementaux, économiques et sociaux sur l’ensemble de la chaîne de production. Puisqu’une batterie avec une faible durée de vie signifie plus de métaux à extraire, un recyclage prématuré et un supplément de déchets.

L’électrification des transports est définitivement engagée et il semble impossible aujourd’hui, d’envisager un changement de cap. Les industries et les gouvernements sont décidés à poursuivre dans cette voie au nom de la transition énergétique, tout en développant des sources d’énergie alternative comme l’hydrogène par exemple. Cependant, de nombreux défis restent à relever notamment concernant la batterie lithium-ion et son recyclage. On développe actuellement de nouvelles technologies, de nouveaux types de batterie sans lithium ou sans cobalt, mais les enjeux concernant cette industrie sont toujours les mêmes. Savoir fabriquer une batterie de manière durable, l’utiliser de façon optimale et la recycler le mieux possible dans la limite de nos capacités.

[1] Propos recueilli en septembre 2017 au salon automobile de Francfort lors d’une table ronde avec des journalistes.

A propos de Antoine REBESCO