La géothermie est une source énergie peu connue du grand public. Pourtant, étant une énergie durable et non intermittente, l’exploitation de la chaleur terrestre présente de nombreux avantages environnementaux, mais aussi technologiques grâce à des techniques d’exploitation qui sont matures. En France, deux régions ont développé des centrales géothermiques produisant de l’électricité dont la Guadeloupe, dans la zone dite de Bouillante, qui a été historiquement la première centrale géothermique française en service.
La centrale géothermie de Bouillante en Guadeloupe. Source : flickr.com
Développement de la géothermie en Guadeloupe, un projet précurseur mais limité
En 1986, la centrale de Bouillante en Guadeloupe est la seule réalisation de haute-énergie en France. C’est aussi l’unique unité de production d’électricité d’origine géothermique des Antilles. Il s’agit alors d’une petite unité, d’une puissance de 4,5 MW pouvant produire 30 GWh d’électricité annuellement. En 1999 est proposée la réalisation d’une seconde centrale plus puissante, à hauteur de 11 MW, le potentiel géothermique du territoire autorisant une exploitation plus poussée. Cette unité B2 est mise en service en 2005.
Ainsi, depuis 1986, la valorisation des ressources locales en Guadeloupe, notamment des ressources renouvelables est en augmentation constante. Concernant spécifiquement la géothermie, celle- ci augmente en six ans, entre 2013 et 2019, sa capacité de production de 28.691 MWh.
La France a réussi à saisir une opportunité judicieuse sur le territoire guadeloupéen, en commençant à développer la production d’électricité d’origine géothermique. Elle a continué sur cette lancée jusqu’à nos jours, augmentant progressivement la puissance installée et la capacité de production. Malgré tout, ce processus ne s’est pas fait sans heurt.
Un projet guadeloupéen aux nombreux aléas
Tout d’abord, il faut bien voir que la première centrale Bouillante 1 est une centrale « prototype ». De 1986 à 1995, EDF utilise ainsi surtout l’installation B1 pour des expérimentations sur les systèmes de contrôle commande. C’est aussi la période du « contre-choc pétrolier » et la France se désintéresse quelque peu des énergies renouvelables, dont la géothermie. A cela s’ajoute des problèmes techniques récurrents sur les machines, EDF devant même mettre à l’arrêt sa production de 1992 à 1994. Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public français, rachète les installations à EDF en 1995. Cependant, des problèmes sociaux et de fonctionnement apparaissent, notamment en 2009 où la production doit être arrêté pendant 2 ans.
Au total, la centrale n’a fonctionné qu’à peine 4.500 heures par an en moyenne entre 1996 et 2013 alors qu’elle a une capacité moyenne de 7.000 heures par an. La Cour des comptes parle d’une « conduite chaotique des opérations, financières, techniques, humaines relatives à l’usine Bouillante ». Finalement, sous la pression de la Région et du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, l’ouverture du capital de la société Géothermie Bouillante est relancée et en 2016, un protocole d’achat est signée par la société américaine Ormat Technologies, détenant dès lors 60% du capital de la société Géothermie Bouillante.
Et après ?
En 2020 la Guadeloupe n’a jamais produit autant d’électricité à partir d’énergies renouvelables : 394 GWh soit 23,32 % du mix électrique. Mais le développement de la production d’électricité par géothermie (et des autres EnR) reste bien faible. Notamment, la Guadeloupe reste très dépendante des énergies fossiles et des importations d’énergies fossiles (c’est d’ailleurs le territoire le plus dépendant au niveau énergétique des ZNI français).
Ainsi, le potentiel géothermique de la Guadeloupe et de la région Caraïbe est encore fortement sous exploité même si un certain nombre de projets, qu’ils soient déjà en cours ou non, sont prévus pour augmenter l’exploitation géothermique du territoire et de ses alentours dans un but de production d’électricité.
Actuellement, c’est dans un autre territoire français que se développe une expertise scientifique française en géothermie reconnue au niveau international. A Soultz-Sous-Forêts, dans le Bas- Rhin, ont été posés les fondements de la géothermie dite « Enhanced Geothermal System » (EGS), une technologie non encore parfaitement aboutie mais prometteuse. Les avancées de ce projet et sa réussite pourraient être un accélérateur d’autres projets de géothermie et renouveler l’intérêt qu’il y a à produire de l’électricité par cette énergie dans les Outre-mer.
Sources
AFPG. (2021). La géothermie en France, Étude de la filière 5ème édition, http://www.afpg.asso.fr/wp-content/uploads/2021/10/Etude-filière-v11-web.pdf [consulté le 4 janvier 2022]
Autorité environnementale. (2020, 22 janvier). Avis délibéré de l’Autorité environnementale sur la révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie de la Guadeloupe, n° Ae : 2019-101, http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr
BELFORT, A., BONINE C. (2019). Bilan énergétique. [Fichier PDF]. Observatoire régional de l’Energie et du climat de Guadeloupe, https://www.guadeloupe-energie.gp
Cour des comptes. (2014). Rapport particulier – Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Exercices 2009 à 2012, https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/20150427-BRGM-71058.pdf p.74-90 [consulté le 12 décembre 2021]
DEAL. (2021, 21 septembre). Redémarrage partiel de la centrale géothermique de Géothermie Bouillante, Communiqué de presse, http://www.guadeloupe.developpement-durable.gouv.fr
LAPLAIGE P., DURIMEL H., MOMPELAT J.-M. Développement de la géothermie dans la Caraïbe. Géosciences, BRGM, 2013, pp.26-35. hal-01060522, https://hal- brgm.archives-ouvertes.fr/hal-01060522/document
Préfecture de Guadeloupe. (2016). Le protocole d’investissement relatif à la centrale géothermique de Bouillante, en Guadeloupe, relancé il y a 2 ans par Ségolène Royal, a été signé aujourd’hui, 5 juillet 2016, http://www.guadeloupe-energie.gp/wp- content/uploads/2016/07/2016-07-05_- _Signature_projet_geothermie_de_Bouillante.pdf