La Politique agricole commune (PAC) est aujourd’hui indispensable pour la survie de l’agriculture française, si bien que l’agrivoltaïsme pouvait être vu d’un mauvais œil de la part des agriculteurs en menaçant de réduire le montant des aides de la PAC. La PAC passe par des aides aux revenus des acteurs de l’agriculture (agriculteurs, éleveurs, maraîchers…), des mesures de marché et des mesures de développement rural.
Il existe des règles de conditionnalité des aides PAC 2023-2027, sont des règles qui s’appliquent à chaque agriculteur bénéficiant d’aides PAC. Un non-respect des règles de conditionnalités de la part de l’exploitant donne lieu à des pénalités prélevées sur l’ensemble des aides PAC[1]. Il existe trois blocs de conditionnalité :
- Les exigences règlementaires en matière de gestion (ERMG 1 à 11), qui s’appliquent à tous les agriculteurs ;
- Les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE 1 à 9), qui ne s’appliquant qu’aux agriculteurs demandeurs PAC ;
- La conditionnalité sociale consistant à un contrôle des inspecteurs du travail qui peut amener à une réduction des aides PAC.
Il existe deux types d’aides PAC. Les aides couplées qui constituent un revenu qui prennent la forme d’un paiement annuel par hectare ou par animal et les aides découplées comme les droits au paiement de base (DPB). Ces dernières constituent un filet de sécurité pour les agriculteurs.
Il y a eu une longue incertitude quant à la compatibilité des aides de la PAC et des installations agrivoltaïques entre la promulgation de la loi n°2023-175 du 10 mars 2023 et un arrêté du 21 mai 2024. La crainte portait surtout sur les effets de l’agrivoltaïsme sur les aides PAC liées à la surface. Il ne faut pas que l’installation agrivoltaïque réduise les « hectares admissibles » aux aides perçues par l’agriculteur afin que celui-ci ne s’oppose pas au projet. Auparavant, la surface couverte par la centrale photovoltaïque ne devait pas dépasser 30% pour que la parcelle sur laquelle elle se situe puisse donner droit à des aides PAC. L’article 1 de l’arrêté du 21 mai 2024 modifiant l’arrêté du 23 juin 2023 relatif aux définitions transversales relatives à l’activité et aux surfaces agricoles, à partir de la campagne 2023 dans le cadre de la politique agricole commune modifie l’article 8 de l’arrêté du 23 juin 2023 relatif aux définitions transversales relatives à l’activité et aux surfaces agricoles à partir de la campagne 2023 dans le cadre de la politique agricole commune. Cet article indique aujourd’hui que :
Par exception, la zone d’implantation des installations photovoltaïques reconnues comme agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du code de l’énergie est admissible, nonobstant les autres règles de calcul de l’admissibilité des surfaces et l’exclusion de la surface artificialisée nécessaire au soutien des panneaux photovoltaïques.
La limite de 30% ne s’applique plus désormais pour les installations agrivoltaïques, mais seulement pour les installations photovoltaïques non-agrivoltaïques. Toute la zone d’implantation des panneaux serait admissible aux aides PAC. C’est bien ce qui semble être la volonté ministérielle :
La loi APER indique explicitement que la présence d’une installation agrivoltaïque ne fait pas obstacle à l’éligibilité du terrain agricole au versement des aides de la PAC. […] Il s’agit en particulier de ne pas soumettre les projets effectivement reconnus en agrivoltaïsme à la limite du taux de 30 % de couverture que vous rappelez.
Cependant, les installations agrivoltaïques ne devront pas couvrir plus de 40% de la parcelle comme l’indique le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels ou forestiers afin de ne pas être comptées le calcul de l’artificialisation.
Comme cela a été vu plus haut, une réduction du montant de certaines aides PAC intervient s’il existe un manquement à un point de contrôle de conditionnalité. Les installations agrivoltaïques pourraient aider à prévenir cette réduction. Notamment en ce qui concerne le bien-être des animaux[2] avec les « Protections spécifiques contre les intempéries pour les animaux placés à l’extérieur » de l’ERMG 11 (exigence règlementaire en matière de gestion). Les panneaux permettraient une protection contre les intempéries évitant une réduction de 5% des aides PAC, si cette protection est certifiée conforme.
Les installations agrivoltaïques pourraient aussi être utiles pour l’obtention d’aides PAC au titre de l’écorégime (paiement direct aux exploitants agricoles actifs qui s’engagent à mettre en place des pratiques agronomiques favorables au climat et à l’environnement), avec les BCAE 8 (bonnes conditions agricoles et environnementales). En effet, les surfaces sous les panneaux pourraient être utilisées dans le taux minimal des terres arables, qui « sont les terres cultivées destinées à la production de cultures ou les superficies disponibles pour la production de cultures mais qui sont en jachère » (article 4 du règlement (UE) 2021/2115).
Des taux minimaux de terres dédiées à des infrastructures agroécologiques doivent aussi être respecté[3], sous peine d’une réduction du montant de certaines aides PAC de 1 à 20%[4]. Une infrastructure agroécologique « (IAE) correspond à tout habitat semi- naturel d’un agroécosystème, spontané ou créé par l’humain et géré selon un régime de perturbation faible, la dynamique « naturelle » de l’habitat étant favorisée. »[5] Une jachère ou encore une haie pourraient remplir ce rôle d’IAE. De plus, le montant des aides peut même augmenter si des haies sont créées. En effet, elles sont souvent requises pour des raisons paysagères dans les projets agrivoltaïques. Un mètre linéaire de haie équivaut à vingt mètres carrés de surface agricole et les jachères sont aussi considérées comme des surfaces agricoles.
Désormais, les installations agrivoltaïques ne seront plus un problème pour les exploitants agricoles en ce qui concerne les aides de la PAC.
[1] Conditionnalité 2023-2027, Préfecture du Doubs
[2] Bien-être des animaux, Ministère de l’Agriculture, Télépac
[3] BCAE 8 La biodiversité, Ministère de l’Agriculture
[4] Conditionnalité 2023-2027, Préfecture du Doubs
[5] Infrastructures agroécologiques et auxiliaire des cultures, Chambre d’agriculture Occitanie