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Dans le contexte actuel du vieillissement de la population, l’obligation mise à la charge de l’employeur de « prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. » de l’article L4121-1 du Code du Travail, est d’autant plus importante. On peut dater son apparition en France vers les années 1970. C’est un sujet qui est toujours d’actualité avec le récent procès du PDG de France Télécom. Le 20 décembre 2018, France Télécom et ses ex-dirigeants ont été condamnés par le tribunal correctionnel de Paris pour « harcèlement moral » dû à la politique de groupe. C’est une réelle obligation de la part de l’employeur envers ses salariés. Aujourd’hui, la qualité de vie a une place importante dans le monde de l’entreprise où la santé représente une dimension de la qualité de vie au travail.

La définition la plus reprise aujourd’hui est celle de l’Accord National Interprofessionnel (ANI), La qualité de vie au travail « peut se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail, perçu collectivement et individuellement, qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».

Les enjeux de la qualité de vie au travail

La qualité de vie au travail est devenue un véritable outil stratégique qui peut permettre entre autres de réduire les coûts liés à l’absentéisme, augmenter la productivité des salariés et d’instaurer un climat de confiance.

L’ANACT évoque trois enjeux de la démarche qualité de vie au travail qui sont les enjeux du travail, les enjeux sociétaux et les enjeux du marché. Les enjeux sociétaux renvoient « à des questions comme l’autonomie, la nature de l’activité, l’intérêt et le sens accordé au travail, la capacité à s’exprimer et le droit à l’erreur, le sentiment d’être utile et efficace ». Les effets recherchés touchent au « registre du management, du dialogue professionnel, du développement de l’initiative et de la capacité d’agir, de l’innovation sociale et organisationnelle ». Les enjeux sociaux renvoient quant à eux « aux caractéristiques des populations au travail (âge, handicap, genre, situation familiale, éloignement du lieu de travail, pratiques religieuses, etc.) et à des incitations à négocier certains sujets (séniors, handicap, maintien dans l’emploi, égalité professionnelle, diversité). Agir sur ces questions via la conciliation des temps, le télétravail, la création de crèches, l’accès facilité à des transports collectifs, le soutien au retour à l’emploi, une charte de la diversité, etc. ». Par ces mesures, on attend un renforcement du « sentiment d’équité et la loyauté à l’entreprise, facilite le recrutement, donne un sentiment de cohésion et favorise le maintien dans l’emploi ». Pour les enjeux du marché, ils renvoient aux « exigences du marché », à la « concurrence » et à « l’innovation ». Ils doivent inciter « à agir au plan de la mobilité professionnelle et de la formation des salariés, de l’adaptation des postes de travail, etc. Ce qui permet de réduire le stress face au changement, de permettre le développement professionnel, de procurer un sentiment de sécurité quant à l’avenir professionnel. »

Il existe aussi l’enjeu juridique, puisque la qualité de vie au travail est encadrée par un cadre légal précis que les entreprises doivent respecter. Ces dernières peuvent également, à travers une démarche RSE, aller au-delà de la règlementation pour avoir un véritable bien-être de ses salariés au travail.

Les enjeux de la qualité de vie au travail face aux préoccupations de fin de carrière

Le corps humain vieillit avec l’âge mais tout le monde ne vieillit pas de la même façon, et il peut être accentué par l’usure au travail. Il y a 3 types d’usure au travail. Il y a en premier lieu l’usure physique qui est accentuée par les risques de pénibilité jouant sur la santé des salariés. On retrouve communément en termes de problème de santé, les troubles musculosquelettiques (TMS). L’activité professionnelle peut jouer un rôle dans leur apparition, leur durée ou leur aggravation et de nombreuses entreprises sont concernées. Cela représente un enjeu économique important.

D’autres pathologies plus subjectives existent et sont portées par la notion de trouble psychologique, c’est l’usure physiologique qui peut apparaitre sous forme d’une perte de motivation, d’une diminution du plaisir au travail ou de résistance à la pression. Il y a aussi l’usure cognitive qui se traduit par une perte de mémoire ou d’attention. Céline ROUX[1], du département santé et travail de l’ANACT, évoque le passage de la notion de pénibilité vers celle d’usure : « Outre le fait que la pénibilité relève, à notre sens, des contraintes de travail et du ressenti des salariés, cela amène à s’interroger sur le processus qui y conduit : qu’est-ce qui, dans le travail, va, au fil d’un parcours, participer à l’altération ou à la construction de la santé d’un salarié ? Cela pose des questions de maintien en emploi et du rôle du travail, qui exclut ou construit, avec une dimension temporelle, évolutive et souvent complexe. »

Pour pouvoir maintenir en emploi les séniors, l’entreprise devra relever deux défis. Tout d’abord, l’entreprise devra relever le défi des Ressources Humaines qui réside dans l’aspect stratégique du maintien en poste des salariés âgés. Il s’agira alors d’accompagner les séniors tout au long de leur carrière pour continuer à dynamiser leurs compétences et leur engagement envers l’entreprise et les amener à rester plus longtemps. Un salarié désengagé risque de partir plus rapidement qu’un autre. Le but étant d’avoir des salariés bien dans leur travail mais aussi d’avoir une meilleure performance économique étant donné que les coûts d’absentéisme seront diminués. Le deuxième défi est le défi managérial. Il est lié à la combinaison de la transmission des connaissances et des relations intergénérationnelles entre les salariés. Cela va se traduire, au niveau de l’entreprise, par la circulation des savoir-faire. Pour le sénior, il se sentira reconnu par la valorisation de son expérience et sera d’autant plus motivé.

La qualité de vie au travail joue donc un rôle important sur le maintien en emploi des séniors puisqu’elle intervient lorsque l’on parle d’employabilité. Elle permet ainsi de maintenir l’employabilité des séniors au sein de l’entreprise en les rendant plus performants et leur donnant de la considération. Il est important de faire un diagnostic de la situation des séniors dans l’entreprise pour pouvoir connaître au mieux les besoins de cette population. L’évaluation de la qualité de vie au travail des séniors doit alors se faire sur la partie visible (les mesures mises en place) de la qualité de vie au travail et non visible (le ressenti des salariés). Mais toutes les entreprises ne sont pas engagées dans cette démarche.

[1] ROUX Céline, Pénibilité et usure au travail : comment prévenir ?, Travail & changement, n°324, 2009 p. 2