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Quand passons-nous à la phase où l’utilisation de l’énergie nucléaire est perçue comme une méthode de production d’électricité et, par extension, comme un levier pour exercer la diplomatie énergétique ? Deux principales raisons ont conduit à cette évolution dans la production d’électricité : les conditions politiques internationales et la perspective de durabilité économique.

De la force à l’innovation : La transition de la France vers une énergie nucléaire durable

Au niveau international (Conférence de Genève en 1955), il y a une volonté prédominante pour une approche pacifique de l’énergie nucléaire [1], avec la France qui s’oriente dans la même direction en établissant en 1955 la Commission consultative pour la production d’électricité d’origine nucléaire (PEON). Un peu plus tard, le premier réacteur de production d’énergie électrique est déjà en fonctionnement. Toutefois, l’orientation vers l’usage commercial est encore lointaine, car la sécurité nationale demeure un projet principal.

Un rôle important dans le développement de l’énergie nucléaire a été joué par les crises pétrolières successives de 1956, 1973 et 1978, qui ont démontré la forte dépendance de la France vis-à-vis des combustibles fossiles et la nécessité de garantir la sécurité énergétique et l’autonomie [2]. D’autre part, l’extraversion américaine a ouvert la voie à la vente de savoir-faire dans le domaine de la production d’énergie électrique à partir de l’énergie nucléaire permettant à la France d’adopter cette tendance mondiale et de s’équiper de la technologie PWR américaine [3].

 

Les objectifs de la diplomatie nucléaire française

Conformément à la bibliographie internationale, la « diplomatie nucléaire » ou, autrement dit, « diplomatie atomique », concernait principalement les relations diplomatiques entre les États-Unis et l’URSS sous l’angle de la dissuasion politique [4]. Or, Abraham Bargman en propose une définition différente, évoquant diverses « activités » distinctes, parmi lesquelles le commerce nucléaire.

Parmi les objectifs de la diplomatie nucléaire figurent les questions de sécurité, la construction d’une identité et du prestige, voire même la lutte contre le changement climatique. Pour la France, le terme de « diplomatie nucléaire », selon Jaclyn Tandler [5] est beaucoup plus précis et se structure schématiquement autour de trois objectifs principaux.

Intérêts Commerciaux

En tant que plus grand exploitant net d’énergie nucléaire au niveau mondial, la France investit, et ce n’est pas sans raison, dans un modèle économique rentable d’exportation d’énergie nucléaire, baptisé le modèle « Nespresso ». Sa logique est simple : tout d’abord, vous vendez les « cafetières », c’est-à-dire le réacteur nucléaire, qui représente un investissement indéniablement énorme. Cependant, sans le « café », l’appareil est inutile. Dans ce cas, le « café » n’est autre que l’uranium enrichi que la France peut fournir régulièrement, apportant des bénéfices supplémentaires.

En outre, les entreprises françaises actives dans la construction de composants pour la production d’énergie nucléaire, le recyclage et la gestion des déchets nucléaires, elles développent elles-mêmes une activité parallèle lucrative autour du commerce des réacteurs nucléaires. Parallèlement, des conditions favorables se construisent pour approfondir les relations bilatérales économiques et commerciales dans d’autres secteurs.

Alliances et influence

Grâce au partenariat nucléaire, les liens diplomatiques déjà existants se renforcent et se diversifient. Des secteurs tels que la recherche et la sécurité s’intègrent de manière dynamique dans un système de coopération transnationale. Un accord nucléaire, au-delà de cultiver des liens à long terme avec l’État contractant, représente également une forme de realpolitik, étendant ainsi son influence à des zones géographiques plus vastes.

Renforcer le régime de non-prolifération

La France, fidèle au dogme de non-prolifération des armes nucléaires (elle a adhéré auTraité sur la non-prolifération des armes nucléaires le 2 août 1992), exporte de manière ciblée son savoir-faire nucléaire vers d’autres pays, en favorisant uniquement son usage pacifique. Ainsi, elle envoie un message à la communauté internationale : tous ceux qui respectent le Traité et se conforment à ses règles seront récompensés par des avantages spécifiques en matière d’assistance nucléaire.

 

Outils de structure de la diplomatie nucléaire

Les grandes orientations de la politique nucléaire sont coordonnées par le Conseil de politique nucléaire (CPN), dirigé par le Président de la République. Ce dernier travaille également avec le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN), qui agit en tant qu’organe consultatif.

Le principal levier de l’exercice de la diplomatie nucléaire pour un État producteur comme la France réside dans les accords de coopération nucléaire. Cela contraste avec les forces dites moyennes, qui présentent des critères variables tels que la crédibilité, ainsi que leurs capacités techniques, scientifiques et juridiques, sans oublier leur relation historique avec l’énergie atomique.

Pour conclure, la France, en tant que puissance leader dans le domaine de l’énergie nucléaire, investit au fil du temps, à travers sa diplomatie énergétique, dans une politique d’ouverture nucléaire, apportant des bénéfices multilatéraux. Cela se manifeste chez presque tous ses présidents, qui ne manquent jamais de faire référence à l’énergie atomique.

 

Pour en savoir plus : 

  1. Stephen Twigge. « The Atomic Marshall Plan: Atoms for Peace, British diplomacy and civil nuclear power ». Cold War History, Volume 16, 24 février 2016: 229.
  2. Chieko Kojima. « France’s Marcoule Nuclear Site: A History of Transition from Military to Civilian Use ». Asian Journal of Peacebuilding, Vol. 7, No. 1, 2019: 34-37.
  3. PEON (La Production d’Electricite d’Origine Nucleare Commission). « Les perspectives de développement des centrales nucléaires ». Les Dossiers de l’énergie, Vol. 1, 57, avril 1968 : 57.
  4. George H. Quester. « Nuclear Diplomacy: The First Twenty-Five Years ». New York, NY, Dunellen Publishing Company, 1965
  5. Jaclyn Tandler (2014) French Nuclear Diplomacy, The Nonproliferation Review, 21:2, 125-148, DOI: 10.1080/10736700.2014.941164

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