Les plans de décarbonation de l’Union européenne reposent tout particulièrement sur une électrification massive du mix énergétique européen. Cela suppose donc une très forte augmentation de la consommation d’électricité dans l’Union : celle-ci devrait augmenter d’environ 350% d’ici 2030[1]. Le développement et l’interconnexion des réseaux électriques en Europe sont donc devenus des sujets centraux pour la sécurité énergétique, la stabilité des prix et la transition vers une énergie décarbonée.
L’Importance des Interconnexions pour la stabilité du réseau électrique européen
Selon le groupe de réflexion Bruegel, une intégration plus poussée des réseaux électriques européens pourrait permettre de réduire la consommation de carburants de 21 % d’ici 2030 et de diminuer considérablement la volatilité des prix de l’électricité[2]. Cela passe par la mise en place d’interconnexions entre les États membres. Les interconnexions sont des câbles qui relient différentes zones du réseau européen, souvent situées aux frontières des pays, permettant ainsi d’intégrer des marchés de l’électricité autrement isolés. Chaque zone connectée, appelée « zone d’enchères », possède son propre marché de l’électricité. Ces infrastructures jouent un rôle clé en facilitant les échanges d’énergie transfrontaliers et en contribuant à la stabilité du réseau européen. Elles ont notamment joué un rôle crucial lors de la crise énergétique de 2022, permettant aux États membres de faire face aux problèmes d’approvisionnement.
En 2018, l’UE a adopté la « règle des 70 % », qui exige que 70 % de la capacité de transport des interconnexions soit réservée aux échanges transfrontaliers d’électricité. Cette règle, qui deviendra obligatoire en 2026, vise à maximiser l’utilisation des capacités interconnectées pour les échanges de marché, plutôt que de les réserver pour des raisons techniques ou nationales. Pour l’instant, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) a averti que de nombreux pays de l’UE sont encore loin de respecter cette exigence et a recommandé des mesures correctives telles que la reconfiguration des zones d’enchères et des développements ciblés du réseau.[3]
Investissements et défis de l’expansion des réseaux électriques
Le développement du réseau européen face à la hausse de la consommation énergétique est une entreprise d’envergure qui représente un coût massif : si les estimations varient, la Commission européenne estime qu’il faudra investir 600 milliards d’euros dans les réseaux électriques d’ici 2030[4], tandis que les industriels prévoient un volume d’investissement pouvant atteindre 800 milliards d’euros[5].
De plus, l’expansion des réseaux électriques est confrontée à de sérieux défis, comme la pénurie de transformateurs électriques, des équipements essentiels pour construire les réseaux électriques. La production de transformateurs est un processus complexe et peu automatisé, nécessitant un travail manuel spécialisé qui est actuellement en pénurie, allongeant les délais de livraison à 18-24 mois, contre 9-12 mois auparavant. La situation est exacerbée par la hausse des coûts des matériaux de base, tels que l’acier et le cuivre, dont les prix ont doublé au cours des cinq dernières années. Par ailleurs, les transformateurs sont régulièrement les cibles d’attaques de l’armée Russe en Ukraine, ce qui a conduit l’UE à envoyer 2 700 unités de remplacement, aggravant encore la pénurie au sein de l’Union.[6]
Vers un super-réseau européen
Face à ces défis, les ministres de l’UE, lors d’un meeting à Bruxelles le 30 mai, ont réaffirmé leur engagement envers une planification coordonnée à long terme des infrastructures de réseau électrique au niveau européen, en mettant l’accent sur la création d’un super-réseau européen pour mieux gérer la congestion et répondre aux futures demandes d’approvisionnement. Afin d’éviter les pénuries d’approvisionnement, les ministres ont également souligné la nécessité « d’investissements anticipés » pour construire des infrastructures qui ne sont pas immédiatement nécessaires mais cruciales pour l’avenir.[7] Le développement des réseaux énergétique européens est également une priorité pour la présidence hongroise du Conseil de l’UE[8], et figure plus généralement parmi les objectifs de l’Agenda Stratégique de l’UE 2024-2029 adopté par le Conseil européen. En investissant dans ces infrastructures et en surmontant les obstacles actuels, l’Europe pourra non seulement renforcer sa sécurité énergétique, mais aussi progresser vers ses objectifs de neutralité carbone et de souveraineté énergétique.
[1] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-ministres-de-lenergie-sengagent-a-renforcer-lintegration-des-reseaux-electriques-europeens/
[2] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-ministres-de-lenergie-sengagent-a-renforcer-lintegration-des-reseaux-electriques-europeens/
[3] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/leurope-est-loin-datteindre-ses-objectifs-dinterconnexion-des-reseaux-electriques-selon-lacer/
[4] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-ministres-de-lenergie-sengagent-a-renforcer-lintegration-des-reseaux-electriques-europeens/
[5] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-ministres-de-lenergie-sengagent-a-renforcer-lintegration-des-reseaux-electriques-europeens/
[6] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/la-penurie-de-transformateurs-menace-le-reseau-electrique-europeen/
[7] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-ministres-de-lenergie-sengagent-a-renforcer-lintegration-des-reseaux-electriques-europeens/
[8] https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/quelles-seront-les-priorites-de-la-presidence-hongroise-du-conseil-en-matiere-denergie-de-transport-et-denvironnement/