Moustiques et dérèglement climatique : vers une propagation dangereuse de maladies tropicales en Europe ?

Vecteur de maladies telles que la dengue et le chikungunya, le moustique tigre tend à se propager en Amérique et Europe[1], en raison de l’évolution du climat. A l’heure actuelle, l’augmentation des cas de dengue est préoccupante et incite à réfléchir d’ores et déjà à des moyens d’endiguer ce futur fléau en Europe.

Le moustique tigre, vecteurs de maladies

Le moustique Aedes albopictus, dit moustique tigre, est capable de véhiculer diverses maladies en se nourrissant du sang d’un individu malade et en transmettant ensuite le virus ou la bactérie à un autre individu, après un délai d’incubation. Parmi les différentes maladies principalement transmises par le moustique tigre on peut citer : le chikungunya, la dengue, le virus Zika, la fièvre du Nil occidental, la fièvre jaune ou encore le paludisme[2].

La chaîne de contamination (Source : sante.gouv.fr)

Ces maladies peuvent s’avérer particulièrement sévères et handicapantes, d’autant plus qu’il n’existe pas de traitements spécifiques pour nombres d’entre elles. Par exemple, la dengue fait l’objet de vaccins qui sont encore aujourd’hui très imparfaits alors que la maladie peut s’avérer « sévère et hémorragique, dans 1 à 5% des cas » [3]

Le moustique tigre est originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. Cependant, il a su s’adapter à des climats variés, notamment en Europe où il est aujourd’hui implanté dans au moins une vingtaine de pays (plus de 80 pays si on ne se limite pas à l’Europe[4]). Deux raisons expliquent principalement cette multiplication des moustiques tigres hors de leur environnement endémique : la mondialisation qui tend à faciliter la possible rencontre d’individus infectés par les virus traditionnellement présents dans des environnements tropicaux et l’évolution du climat, et plus spécifiquement l’augmentation des températures sur certaines parties du globe.

Une multiplication des contaminations en raison du réchauffement climatique

Cependant, si la présence de moustiques tigre en Europe ne date pas d’hier, leur multiplication ainsi que la forte augmentation de cas de maladies vectorielles sont manifestement dues au dérèglement climatique. En effet, l’augmentation des températures a deux conséquences sur les moustiques et la chaîne de contamination.

Dans un premier temps, le temps du cycle de développement des moustiques est proportionnel à la chaleur. Autrement dit, alors que le cycle dure normalement entre 6 et 10 jours pour une température comprise entre 20° et 25°C, il n’est plus que de 6 jours à 28°C.

Dans un second temps, le virus au sein du moustique se multiplie d’autant plus vite que la température est élevée[5]. Le moustique est alors un vecteur encore plus efficace des maladies[6].

Des effets qui se font déjà ressentir en Europe et en Amérique à relativiser

Ces dernières années, une augmentation des cas de dengue, de chikungunya ou encore de Zika est pointée en Europe et en Amérique. En France, « c’est 272 cas importés de dengue, 22 cas importés de chikungunya et 3 cas importés de zika » qui ont été déclarés, d’après le ministère de la santé et de la prévention. Mais ce qui frappe le plus, c’est une augmentation des cas autochtones[7] dont le nombre s’élève à 65 pour l’année 2022, soit un nombre de cas plus élevé que le nombre total de cas qui ont été identifiés pour la période allant de 2010 à 2021.

Cependant, ces chiffres sont à mettre en perspective avec l’évolution des méthodes de détection qui s’avèrent être de plus en plus précises. D’après l’entomologiste Anna-Bella Faillou de l’Institut Paster, à Paris, le « système de détection est de plus en plus précis et de plus en plus fin, ce qui explique que l’on recense de plus en plus de cas de contamination. Ça ne veut pas dire qu’il y en ait plus » [8]. Elle avance néanmoins le fait que l’évolution du climat va faciliter une explosion démographique des cas de moustiques et donc de transmissions de virus.

Une mise en garde du côté des organisations de santé : quelle prévention et lutte contre ces contaminations ?

Au niveau mondial, l’OMS tire la sonnette d’alarme et pointe des « épidémies explosives » dans de nouvelles région du monde, dont l’Europe. Au niveau européen, l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies)[9] met en garde contre la multiplication des cas de maladies vectorielles du moustique en Europe, s’appuyant sur des chiffres particulièrement alarmants : 1133 cas humains et 92 décès dus au virus du Nil occidental en 2022 et 1112 acquis localement dans 11 des Etats membres. Il s’agit, selon l’ECDC, du nombre de cas le plus important depuis l’année 2018.

Afin de lutter contre ces contaminations, les agences de santé incitent à effectuer un contrôle toujours plus fort des populations de moustiques, notamment en éliminant les sources d’eau stagnante et en renforçant la sensibilisation des habitants.

Malheureusement, outre ces différents moyens de contrôle, il n’existe pas de moyens d’empêcher totalement l’apparition de nouvelles transmissions. En effet, bien que l’on connaisse de mieux en mieux les virus transmis par le moustique tigre, de nouvelles zoonoses risquent d’apparaître, notamment en raison de migrations d’animaux vers le nord qui pourraient augmenter les risques de transmission des animaux vers l’homme.

Cependant, la recherche scientifique pourrait proposer des solutions prometteuses à l’avenir. Le développement de bactéries pour rendre le moustique incapable de transmettre le virus[10] est notamment une piste à suivre, bien que coûteuse. Par ailleurs, des travaux conduits par des chercheurs de l’université de Strasbourg s’attellent à mieux comprendre les mécanismes virologiques impliqués dans la transmission du virus[11]. Leurs recherches permettront peut-être de mieux anticiper et prévenir les futures transmissions de virus…

 

[1]https://www.lesechos.fr/industrie-services/pharmacie-sante/le-changement-climatique-va-favoriser-la-propagation-de-la-dengue-et-du-chikungunya-1932722

[2]https://sante.gouv.fr/sante-et-environnement/risques-microbiologiques-physiques-et-chimiques/especes-nuisibles-et parasites/moustiques#:~:text=Le%20moustique%20Aedes%20albopictus%20(commun%C3%A9ment,%C3%A9pid%C3%A9mie%20de%20chikungunya%20en%202006.

[3] https://www.ouest-france.fr/sante/dengue-une-nette-augmentation-des-cas-observee-en-france-metropolitaine-en-2022-ef634b0a-1f07-11ee-bbe8-ae4412f8a422

[4] https://www.auvergne-rhone-alpes.ars.sante.fr/moustique-tigre-ce-quil-faut-savoir-sur-lui

[5] La température augmente la multiplication du virus dans le métabolisme du moustique et le virus atteint les glandes salivaires plus rapidement.

[6] Fischer, D., Thomas, S.M., Suk, J.E. et al. Climate change effects on Chikungunya transmission in Europe: geospatial analysis of vector’s climatic suitability and virus’ temperature requirements. Int J Health Geogr 12, 51 (2013). https://doi.org/10.1186/1476-072X-12-51

[7] On parle de cas autochtone lorsque « une personne n’a pas voyagé dans les 15 jours précédant ses signes cliniques et s’est contaminée à partir d’un moustique local, qui s’était lui-même infecté en piquant une personne virémique, de retour de voyage en zone endémique » (source : santépubliquefrance.fr)

[8] https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/changement-climatique-moustiques-et-maladies-tropicales-pourquoi-de-nouveaux-virus-font-leur-apparition-en-aquitaine-2834978.html

[9] https://www.euractiv.fr/section/maladies-transmissibles/news/les-maladies-transmises-par-les-moustiques-augmente-dans-lue-a-cause-du-changement-climatique/?_ga=2.7169138.1948491852.1688972407-1406802430.1678435821

[10] https://www.worldmosquitoprogram.org/

[11] Olmo, R.P., Todjro, Y.M.H., Aguiar, E.R.G.R. et al. Mosquito vector competence for dengue is modulated by insect-specific viruses. Nat Microbiol 8, 135–149 (2023). https://doi.org/10.1038/s41564-022-01289-4