L’exploitation (énergétique) des monts hydrothermaux : un désastre écologique en prévision ?
Les monts hydrothermaux ou cheminées hydrothermales sont des évents hydrothermaux situés sur le plancher océanique. Ce sont des lieux regorgeant de vie, d’espèces bactériennes, végétales et animales qui pour la plupart sont endémiques. Ces sources hydrothermales font actuellement l’objet de prospection pour être utilisées comme source d’énergie, à l’instar de la géothermie, ou dans le cadre d’exploitation minière. Pourtant, ces projets pourraient être catastrophiques pour la faune endémique.
Fonctionnement géologique des monts hydrothermaux :
Les monts hydrothermaux sont une conséquence des phénomènes d’accrétion et d’extension des plaques tectoniques. Dans les espaces formées suite aux mouvements des plaques tectoniques « le magma remonte et forme des chambres magmatiques à quelques kilomètres de profondeur. Lors de son refroidissement, il se rétracte et forme des anfractuosités dans la croûte océanique. L’eau de mer, froide (environ 2°C) » s’y infiltre et se réchauffe à proximité du magma chaud (environ 1200°C). Sous l’effet de la pression, l’eau chaude remonte vers le plancher océanique « en lessivant les roches rencontrées », c’est-à-dire, que l’eau s’acidifie et s’enrichit en éléments métalliques. A sa sortie, le fluide hydrothermal a une température très élevée (350°C à 400°C), un pH acide, de fortes concentrations en gaz dissous (H2S, CH4, CO, CO2, H2) et en ions métalliques, et est en anoxie (absence d’oxygène)[1].
Schéma explicatif des réactions chimiques produites par un mont hydrothermal :
Exploitation énergétique et économique :
Selon une étude scientifique publiée par l’Institute of Physics (IOP)[2], certains monts hydrothermaux auraient une énergie thermique allant jusqu’à 60 MWt, ce qui permettrait de générer, toujours selon le même article, une puissance électrique de 15 MW, soit l’équivalent d’environ 3 éoliennes off-shore.
En plus de la potentielle énergie géothermique exploitable, les monts hydrothermaux sont riches en métaux tels que le cobalt, l’or, le cuivre ainsi qu’en terres rares, éléments essentiels pour la fabrication de composants électroniques.
En 2020, la Japan Oil Gas and Metals National Corporation a réalisé la première extraction de plancher océanique avec une forte concentration en cobalt[3]. Selon les recherches effectuées dans le cadre du projet d’exploitation, la zone « Takuyo No. 5 Seamount », objet de l’exploitation, contiendrait assez de cobalt pour subvenir à la demande du Japon pour 88 ans, ainsi que des réserves de nickel pour 12 ans.
L’exploitation des ressources des monts hydrothermaux semble présenter un intérêt irréfutable à la fois en termes d’approvisionnement énergétique ou pour un approvisionnement en métaux stratégiques. Or, les techniques misent en œuvre à cette fin ont des conséquences environnementales néfastes importantes.
Impact environnemental :
Ces projets vont avoir un impact indubitable sur les écosystèmes marins et la biodiversité.
Par ailleurs les monts hydrothermaux constituent l’habitat de différentes espèces endémiques dont la croissance est lente et qui sont par conséquent très susceptibles aux changements de conditions. Les dommages ne s’arrêteraient pas à ces seules espèces mais bien à l’ensemble des espèces marines environnantes. Ces exploitations pourraient dès lors perpétuer le mouvement d’extinction des espèces marines déjà à l’œuvre actuellement.
Dans une publication parue sur le site de Frontiers[4], les chercheurs listent les impacts potentiels de l’exploitation minière des fonds marins, qui comprennent notamment, le changement topographique des fonds marins comme des glissements de terrains, des nuisances sonores, des pollutions lumineuses anthropogéniques, une augmentation de la température, la mise en suspension de sédiment, etc.
Le résultat est incontestable : l’exploitation des ressources des fonds océaniques entraînera une perte de biodiversité, qui pourra être plus ou moins fatale en fonction de la nature des impacts générés par l’exploitation.
Les scientifiques indiquent de plus que les données concernant la récupération des milieux sont trop éparses.
La perte de biodiversité résulterait aussi en une perte regrettable de savoirs pour l’humanité. Les organismes vivant autour des monts hydrothermaux font partie d’un écosystème basé sur la chimiosynthèse a contrario de la plupart des espèces peuplant le globe dont la subsistance repose sur la photosynthèse. Cette caractéristique en fait un objet d’étude unique, d’aucuns supposent même que c’est dans ce milieu que la vie serait née, à l’instar du chimiste allemand Günter Wächtershäuser[5].
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Mont_hydrothermal
[2] Electricity generation from hydrothermal vents, Y Aryadi et al 2016 IOP Conf. Ser.: Earth Environ. Sci. 42 012019 https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1755-1315/42/1/012019/pdf
[3] https://www.jogmec.go.jp/english/news/release/news_01_000033.html
[4] Miller KA, Thompson KF, Johnston P and Santillo D (2018) An Overview of Seabed Mining Including the Current State of Development, Environmental Impacts, and Knowledge Gaps. Front. Mar. Sci. 4:418. doi: 10.3389/fmars.2017.00418 https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2017.00418/full
[5] Wächtershäuser G. Evolution of the first metabolic cycles. Proc Natl Acad Sci U S A. 1990 Jan;87(1):200-4. doi: 10.1073/pnas.87.1.200. PMID: 2296579; PMCID: PMC53229.