L’industrie européenne est à un tournant décisif comme l’ont décrit les Allemands avec le terme « Energiewende ». Le temps presse pour décarboner les sites industriels, avec une échéance fixée à 2050 pour atteindre la neutralité carbone. Pourtant, de nombreuses entreprises prennent les devants et s’engagent à décarboner leurs activités bien avant cette date. La question cruciale reste de savoir où elles en sont dans ce processus et si elles pourront relever ce défi monumental.
Le secteur industriel représente environ 9,2 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne en 2021[1]. Il contribue à environ 20 % du produit intérieur brut (PIB) de l’UE[2]. En ce qui concerne la consommation énergétique, le secteur industriel représente environ 27 % de la consommation totale d’énergie en Europe[3].
Il est donc impératif d’accélérer sa décarbonation. Malgré la diversité des industries : qu’elles soient pharmaceutiques, automobiles, agroalimentaires, ou autres, la démarche de décarbonation repose sur des principes similaires. Celle-ci se divise en deux volets : la production et les utilités. Les utilités comprennent les systèmes de chauffage, ventilation, climatisation (CVC), tandis que la production est propre à chaque site.
Pour amorcer cette transition énergétique, l’amélioration de l’efficacité énergétique constitue la première étape essentielle. Réduire la consommation d’énergie et l’empreinte carbone est un impératif. Ensuite, l’électrification et l’utilisation de sources d’énergie alternatives telles que le biogaz et l’hydrogène deviennent des options viables. Les ingénieurs spécialisés en gestion de l’énergie jouent un rôle crucial en analysant les données énergétiques des sites pour identifier les inefficacités. Après un audit énergétique approfondi, ces experts se rendent sur place pour valider leurs hypothèses et proposer des « Energy Conservation Measures » (ECM) visant à réduire la consommation énergétique.
L’efficacité énergétique est au cœur de cette démarche, car l’énergie la plus verte est celle que l’on ne consomme pas. Les actions à mettre en œuvre peuvent sembler simples : installation de variateurs de vitesse (VSD), remplacement de moteurs obsolètes par des modèles plus performants (IE4 ou IE5), ou encore intégration de systèmes de gestion technique du bâtiment (BMS) pour surveiller et optimiser la consommation énergétique. Chaque site nécessite un diagnostic énergétique spécifique pour déterminer les mesures les plus adaptées, tout en prenant en compte le coût et le retour sur investissement. Comme en médecine, chaque « patient » industriel nécessite un traitement personnalisé.
Toutefois, avec l’engagement de l’Europe en faveur de la neutralité carbone, l’efficacité énergétique seule ne suffit plus. Ce n’est plus une question d’image, mais une obligation réglementaire. Si l’optimisation des systèmes CVC peut sembler plus simple, la décarbonation des processus de production est souvent plus complexe et nécessite une vigilance accrue pour éviter d’affecter la production. L’électrification des procédés implique souvent le remplacement de chaudières ou de fours à gaz par des alternatives électriques ou des chaudières fonctionnant au biogaz. Le choix de la solution doit se baser sur une analyse rigoureuse du coût de l’énergie et du retour sur investissement.
Cette transition énergétique affectera tous les secteurs industriels. Une question majeure se pose : le biogaz produit en Europe, dont 25 % du prix est lié à la garantie d’origine, sera-t-il suffisant pour répondre aux besoins énergétiques des bâtiments et des processus industriels ? Le défi est immense, et l’électrification pourrait bien être la clé de l’avenir pour les industries manufacturières européennes.
Sources:
[1] : Émissions de GES de l’industrie | Chiffres clés du climat 2023 (developpement-durable.gouv.fr)
[2] : Répartition du PIB par secteur économique en France | Statista
[3] : https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Greenhouse_gas_emission_statistics_-_carbon_footprints&action=statexp-seat&lang=fr
Ingénieure en Énergétique et Énergies Renouvelables avec double facette technique et réglementaire en énergie