La Grèce aime se présenter comme un élève modèle de la transition énergétique européenne. Avec un taux de pénétration des énergies renouvelables qui dépasse désormais les 50 % de la production électrique, le pays revendique une trajectoire ambitieuse, conforme aux objectifs du Pacte vert. Pourtant, derrière cette image flatteuse, se dessinent les contours d’une dépendance problématique : la montée en puissance trop rapide des renouvelables, sans infrastructures d’accompagnement suffisantes, crée une vulnérabilité structurelle qui risque d’entraver durablement la sécurité énergétique nationale.
L’abondance stérile et la dépendance économique et industrielle
L’abandon du lignite et l’essor massif de l’éolien et du solaire étaient censés représenter une libération écologique. Mais l’intermittence de ces sources, non compensée par des capacités de stockage, provoque une situation paradoxale. En avril 2023, près de 30 GWh d’électricité solaire ont été perdus, faute de moyens pour les stocker ou les exporter. Cette « abondance stérile » traduit la fragilité d’un système déséquilibré où l’énergie circule sans débouchés fiables.
L’essor des renouvelables en Grèce repose largement sur des équipements importés (panneaux chinois, éoliennes allemandes) et sur des subventions européennes. Il en résulte une double dépendance : industrielle et financière. La souveraineté énergétique, invoquée par les autorités, se dissout dans une nouvelle forme d’extraversion économique. En cas de rupture des chaînes d’approvisionnement mondiales, la transition pourrait se trouver brutalement interrompue.
Une erreur de perspective stratégique, économique et écologique
La justification écologique des renouvelables mérite également d’être interrogée. Le déploiement massif d’éoliennes dans les zones montagneuses et insulaires a entraîné une dégradation accélérée des écosystèmes : déforestation, perturbation des habitats, artificialisation des paysages. Derrière le discours de la « croissance verte », s’installe une réalité de fractures sociales et territoriales, accentuées par la perception d’un développement imposé plutôt que partagé.
La promesse de réduction de la dépendance aux hydrocarbures se heurte à une réalité : la Grèce recourt massivement au gaz naturel, importé sous forme de GNL, lorsque le vent tombe ou que le soleil faiblit. Ce gaz, soumis aux aléas du marché international, devient l’appoint indispensable d’un système déséquilibré. La dépendance n’est donc pas abolie, mais déplacée : du lignite domestique vers des ressources énergétiques étrangères. Cette fragilité s’est accentuée depuis la guerre en Ukraine, qui a démontré à quel point la sécurité énergétique reste une arme géopolitique.
L’expérience grecque révèle une confusion entre rapidité et résilience. Augmenter mécaniquement la part des renouvelables ne suffit pas à garantir la sécurité énergétique. Sans investissements massifs dans le stockage, sans interconnexions renforcées avec les pays voisins et sans un pilotage stratégique de l’État, la transition risque de transformer une opportunité en vulnérabilité.
Conclusion : de la quantité à la qualité
La question n’est pas de savoir si les énergies renouvelables sont souhaitables — elles le sont. Mais leur intégration ne peut se réduire à une course aux pourcentages. Le cas grec montre que la transition, conduite sans vision systémique, engendre une dépendance nouvelle, à la fois économique, technologique et géopolitique. La véritable indépendance énergétique ne se joue pas sur la quantité installée, mais sur la qualité de l’intégration, la résilience des infrastructures et la capacité à préserver à la fois la souveraineté nationale et les écosystèmes.
Pour en savoir plus :
https://www.inewsgr.com/332/Greeces-green-energy-boom-risks-grid-meltdown-without-urgent-reform.htm
https://4imag.com/renewables-in-greece-progress-challenges-and-the-critical-wager-of-the-next-decade/https://www.mdpi.com/2071-1050/17/12/5325https://moderndiplomacy.eu/2025/05/06/the-paradox-of-energy-networks-stability-and-
riskhttps://www.philenews.com/oikonomia/kypros/article/1563219/prostima-stin-ellada-gia-iperparagogi-apo-ape-to-pascha-i-diafora-stin-kipro/
https://www.mdpi.com/2071-1050/17/12/5325
