You are currently viewing La production d’énergie grâce à la pression osmotique : une source d’énergie abondante, peu connue et peu développée
Principe de fonctionnement d’une centrale osmotique. Prototype de la centrale de Tofte (D’après Statkraft et AFP)

Pour parvenir aux objectifs de la transition énergétique et notamment à la neutralité carbone à l’horizon 2050 prévue dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe (Green Deal), il va falloir, comme le dit l’expression populaire « faire feu de tout bois ». Même si en l’occurrence la source d’énergie dont il est question n’implique aucune combustion.

Principe de fonctionnement :

En effet, l’énergie osmotique ou énergie bleu, se base sur le principe de l’osmose, qui peut être défini comme un « phénomène de diffusion dans lequel une membrane entre deux liquides ou solutions laisse passer le solvant mais non la substance dissoute. », selon le dictionnaire Le Robert, la pression osmotique est quant à elle la résultante d’une « différence de concentration entre deux solutions situées de part et d’autre d’une membrane semi-perméable »[1]. « L’énergie osmotique désigne l’énergie exploitable à partir de la différence de salinité entre l’eau de mer et l’eau douce », la pression osmotique générée par la migration des molécules d’eau à travers la membrane semi-perméable crée un flux qui peut être envoyé vers une turbine pour produire de l’électricité.

Potentiel et enjeu énergétiques :

En raison de sa nature, l’énergie osmotique est potentiellement exploitable à toutes les embouchures de fleuves, lieux de rencontre entre l’eau douce et l’eau salée. L’énergie bleue présente d’autres avantages de taille, notamment son indépendance aux conditions météorologiques et la prédictibilité de la production électrique, ce qui contraste avec l’intermittence de la production d’électricité des énergies renouvelables que sont l’éolien et le solaire.

Selon les estimations de Statkraft (entreprise publique norvégienne spécialisée dans les énergies renouvelables, dont l’énergie osmotique), à « l’échelle mondiale, environ 1 700 TWh pourraient être produits annuellement si l’on exploitait l’énergie osmotique à toutes les embouchures de fleuves dans le monde »[2], soit l’équivalent de 6,1% de la consommation mondiale totale en électricité (27 520 TWh en 2021 selon le rapport Global Electricty Review 2022 d’Ember[3]), même si plus récemment, la société Sweetch Energy a avancé des chiffres selon lesquels l’énergie osmotique dégagée par l’ensemble des deltas et des estuaires mondiaux équivaudrait à presque 30 000 TWh[4].

Malgré ces chiffres prometteurs, un problème se pose, celui de la membrane utilisée. C’est en cela que se trouve le principal défi technologique ; en effet, la production électrique est dépendante de la capacité osmotique de la membrane semi-perméable installée. Si aux balbutiements du développement de la technologie, les travaux de recherche permettaient seulement d’atteindre une capacité osmotique de 3 W par m2, ce qui impliquait une grande emprise au sol pour l’installation et une surface de membrane immense, de nouvelles recherches, notamment celles de l’EPFL (Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne), qui indique qu’une membrane sélective de disulfure de molybdène épaisse de 3 atomes d’un mètre carré dont 30% de la surface serait couverte de nanopores permettrait de produire 1 MW. En l’occurrence, cette technique exploite, non pas le passage de l’eau à travers la membrane semi-perméable, mais directement le passage des ions de sel de l’eau de mer vers l’eau douce à travers la membrane, les ions étant des atomes électriquement chargés, leur déplacement permet de générer de l’électricité[5].

Etat des lieux de la production en France :

Si d’autres états ont déjà commencé à développer la « filière osmotique », notamment la Norvège et et les Pays-Bas. La France commence à s’équiper : dans un communiqué de presse du 14 février 2022[6], la société Sweetch Energy en partenariat avec la CNR (Compagnie Nationale du Rhône) a annoncé l’installation de la première station osmotique dans le delta du Rhône. Toujours selon le communiqué, la production sera lancée fin 2023 et permettra de produire à l’horizon 2030, plus de 4 TWh par an.

Une énergie propre et renouvelable :

Cette source d’énergie en plus d’être renouvelable, a un impact environnemental faible. Les centrales osmotiques ne génèrent ni polluant, ni nuisances sonores. Le seul inconvénient que présente ces installations est le rejet d’eau saumâtre, c’est-à-dire une eau dont la teneur en sel est inférieure à celle de l’eau de mer. Ces rejets, surtout s’ils sont produits en grande quantité, ce qui est le propre des installations industrielles, peuvent engendrer des modifications sur le niveau de la salinité de l’eau dans le milieu environnant, qui est le plus souvent l’embouchure du fleuve. Ces extrêmes variations en salinité pourraient avoir un effet négatif sur les espèces végétales et animales qui sont généralement habituées à un environnement spécifique avec une concentration relativement stable (que ce soit de l’eau douce, de l’eau saumâtre ou de l’eau de mer)[7].

Ce problème mineur peut néanmoins être aisément solutionné en rejetant l’eau saumâtre à un endroit plus éloigné des côtes, à une certaine profondeur de manière à ne pas impacter les écosystèmes présents à la surface et au fond de la mer.

 

 

 

[1] https://www.aquaportail.com/definition-2977-pression-osmotique.html

[2] https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/energie-osmotique

[3] https://ember-climate.org/insights/research/global-electricity-review-2022/#supporting-material-downloads

[4] Estimate made by Sweetch Energy based on the research paper Osmotic power plants: Potential analysis and site criteria (P. Stenzel and H.-J. Wagner, 2010) https://uploads-ssl.webflow.com/61fa956e97c55ece802fc38f/620a2d92fc1ea33976d9dd85_20220214%20PR%20Sweetch%20x%20CNR.pdf

[5] https://actu.epfl.ch/news/de-l-eau-du-sel-et-une-membrane-de-3-atomes-font-d/

[6] https://uploads-ssl.webflow.com/61fa956e97c55ece802fc38f/620a2d92fc1ea33976d9dd85_20220214%20PR%20Sweetch%20x%20CNR.pdf

[7] Montague, C., Ley, J. A Possible Effect of Salinity Fluctuation on Abundance of Benthic Vegetation and Associated Fauna in Northeastern Florida Bay. Estuaries and Coasts. 1993. Springer New York. Vol.15 No. 4. Pg. 703-717

 

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